Grève de la faim, l’ultime recours de Boualem Sansal face à ses geôliers

 

 

 

Paris: Zakia Laaroussi

Dans un pays qui prétend appartenir au concert des nations respectueuses des droits et des libertés, l’écrivain et penseur Boualem Sansal croupit aujourd’hui dans une cellule où l’espace se rétrécit à mesure que ses mots s’étouffent. Son corps s’amenuise sous le poids d’une grève de la faim qu’il s’impose, ultime rempart face à l’injustice des geôliers et l’iniquité d’une justice aux ordres. Un homme de quatre-vingts ans, affaibli par la maladie, contraint de livrer son dernier combat avec l’unique arme qui lui reste : son propre corps, qui s’efface en signe de protestation contre un simulacre de procès indigne de toute société civilisée.

Quel est donc ce code juridique qui condamne la pensée et traque l’intellectuel tel un criminel de guerre ? Quelle est cette nation qui redoute les mots d’un vieil écrivain plus qu’elle ne craint la gangrène de sa corruption, la déliquescence de son économie, l’agonie de son peuple ? Boualem Sansal n’est pas le premier à être accusé d’ »atteinte à la sûreté de l’État », mais son cas illustre, avec une tristesse accablante, l’échec d’un régime dont la seule réponse aux voix dissidentes est la répression.

Aujourd’hui, face à la dégradation alarmante de son état de santé, une question s’impose : jusqu’à quand un régime englué dans l’obscurantisme et l’arbitraire verra-t-il en Boualem Sansal un ennemi ? La peur des mots a-t-elle atteint un tel paroxysme que le pouvoir laisse mourir lentement un vieillard pour avoir osé dire la vérité ?

Qu’on partage ou non ses idées, Boualem Sansal est avant tout un écrivain. Or, la pensée ne se juge pas, la plume ne se brise pas. Son jeûne forcé est un cri de défiance lancé à l’encontre d’une tyrannie qui ne connaît plus de limites, d’un pouvoir acharné à briser l’intellectuel et à éteindre sa voix. Mais l’Histoire a de la mémoire, et l’Histoire n’oublie pas.

Le proverbe dit : « Qui fréquente l’oppresseur devient oppresseur lui-même. » Alors, que dire de ceux qui emprisonnent la parole et bâillonnent l’esprit ? Quelle logique perverse inverse ainsi les valeurs, jusqu’à faire du penseur un criminel et de la réflexion un acte subversif ?

L’incarcération de Boualem Sansal est le symptôme d’un temps où les repères vacillent : la plume devient un délit, la parole une arme, l’intellectuel un ennemi. Ne disait-on pas autrefois : « Frappe l’attelé, l’errant comprendra » ? Aujourd’hui, tout esprit libre est en sursis, car un pouvoir plongé dans le déni veut faire de Sansal un exemple, une mise en garde adressée à quiconque oserait contester ses dogmes.

Mais qu’ils se souviennent : « La vérité triomphe toujours. » Un écrivain, même derrière les barreaux, reste plus puissant que ses geôliers. À plus de soixante-dix ans, Boualem Sansal oppose au despotisme l’arme absolue du sacrifice, sachant que « qui endure, vaincra ». Mais ce pouvoir sourd et aveugle saura-t-il entendre cette résistance silencieuse ou, comme le dit le proverbe, « Il n’est pire sourd que celui qui ne veut entendre » ?

Quel esprit censé peut admettre qu’un homme soit emprisonné pour avoir simplement exprimé une opinion ? Les prisons sont faites pour les criminels, non pour ceux qui manient la plume. Mais dans un empire de l’injustice, « les gros poissons mangent les petits, et les faibles périssent ». Un pouvoir qui tremble devant une phrase, une pensée, un livre, ne fait que proclamer sa propre fragilité. Ont-ils donc oublié que « Le coup qui ne tue pas renforce » ?

La liberté ne se quémande pas, elle se conquiert. Boualem Sansal ne sera pas le dernier des insoumis. Car si, comme le dit le dicton, « Quand le chameau chute, les vautours se rassemblent », ce chameau, lui, ne tombera pas. La vérité, fût-elle persécutée, ne meurt jamais. Et en ces temps où l’injustice s’exhibe à visage découvert, il ne nous reste qu’à dire : « Ô oppresseur, ton heure viendra. »

En une époque où la liberté d’expression devrait être un rempart inviolable, l’Algérie démontre une fois de plus qu’elle demeure prisonnière de ses haines et de ses peurs imaginaires. En s’acharnant contre Boualem Sansal, ce pouvoir ne fait que souligner l’absurdité de sa propre cause. L’emprisonnement d’un écrivain ne changera pas le cours de l’Histoire, il ne convaincra pas davantage ceux qui doutent, il ne fera qu’exposer au monde une vérité déjà éclatante : l’Algérie officielle n’a plus que la répression comme ultime langage.

Le Maroc tout entier est avec toi, Boualem Sansal. Car la vérité ne se plie pas, la justice ne se négocie pas, et Dieu est du côté de ceux qui défendent le juste contre l’injuste.