
Par: Mohammed El Qandil *

Je viens de lire ceci : un poète nous invite à tendre l’oreille, à être attentifs aux rafales du vent, au bruit de la tempête : Ils nous apporteront sûrement des nouvelles de ceux que nous avons perdus, en les aimant trop !
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Virginia Wolf était malade. Elle allait souvent auprès de la mer. Pour lui confier les quelques pages qu’elle avait écrites la veille. Lui demander pardon d’avoir osé défier sa profondeur.
Ce qui lui faisait mal, par-dessus tout, c’est de ne pas garantir à son mari autant de douceur, d’intimité que la mer.
Ce qui lui faisait mal, c’est que le liquide est beaucoup présent que l’humain.
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Trop de sincérité affranchit l’œuvre d’art.
Trop d’exercices l’élève au-delà d’elle-même.
O Cézanne ! Salut à toi en passant.
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Il marchait les yeux par trop ouverts. A l’affût de l’Homme qui se cache derrière l’homme. Derrière la fragilité dont témoignent les millénaires silencieux et complices.
Si les œuvres de Giacometti témoignent de cette précarité, c’est qu’elles sont restées au seuil du visible, nous demandant de saisir ce qui nous manque au bord de la faillite : la vie toute belle dans sa cruauté la plus tranchante.
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A la fin de sa vie – nous murmure Breton, Victor Hugo est tombé fou amoureux d’une actrice.
Imaginez un vieillard, poète archi-connu, considéré, de surcroît, comme la conscience du peuple, et une jeune femme qui vient juste de goûter au plaisir de la vie.
Imaginez, que pendant des années, la promenade habituelle en carrosse, arrivée devant les portes d’un château, ne connaissait qu’un échange de deux petites phrases, rien qu’elles :
-Porte cochère madame.
-Porte piétonne monsieur.
Et puis le silence. Le silence qui fait le charme de la rencontre, de l’amour, des mots suspendus sur les lèvres, des mots qui ne perdent rien pour savourer les pas de la dame s’avançant vers le secret de l’Histoire.
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En art comme en amour, les femmes accusent une volatilité extraordinaire.
Elles passent aisément de la poésie à la peinture.
Gala : d’Eluard à Dali.
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Rudolf Kassner : « Rilke était poète même quand il se lavait les mains. ».
J’adore par-dessus tout les poètes qui marient heureusement et l’écriture et la réalité. Qui, élevant les mots au rang d’un sacerdoce, dépassent l’amère présence d’être deux dans une seule personne.
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Il y a des œuvres qui s’adressent aux hommes.
Et d’autres qui s’adressent au ciel.
Les premières n’annulent pas les secondes. Elles les fortifient dans leur prière.
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J’aime à croire que l’œuvre continue d’habiter son récepteur, même en deuil !
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Elle s’est assise devant moi. Tête dressée, yeux fiers. Elle ne ressemblait en rien à la fragilité dont elle portait une trace ancienne sur ses lèvres. D’une voix grave, soudain, elle me dit : Pourquoi aime-t-on ?
Je n’ai pas su répondre !
J’avais peur de briser le miroir où chacun essaye de se reconnaître, sans trop de dommages.
*Poète, chercheur en littérature et arts plastiques /Inspecteur pédagogique





