Le service pour l’action extérieure (SEAE) qui gère les relations diplomatiques de l’Union européenne, réagit souvent au pas de course quand il s’agit de questions subsidiaires, d’élections dans des contrées lointaines ou d’escarmouches avec la Russie, la Turquie ou la Chine.
Ses porte-paroles rivalisent de bagout quand il s’agit d’encenser un partenaire gazier ou de sermonner sur un ton comminatoire « un mauvais élève ». Dans ce cas, c’est souvent la carte des droits de l’homme ou celle de l’immigration qui sont agitées comme moyen de pression.
Cependant, il arrive que ce même SEAE, chapeauté par l’Espagnol Josep Borrell, se mure dans un profond mutisme quand il s’agit d’affaires délicates mêlant un État membre comme celle qui implique aujourd’hui le pays ibérique dans un scandale d’État lié à l’accueil d’un criminel de guerre sur son territoire sous une fausse identité algérienne.
Inutile de détailler les péripéties de ce polar de mauvais genre, mais il est important de rappeler que le transfert du dénommé Brahim Ghali, poursuivi par la justice espagnole pour génocide, terrorisme, viol, enlèvement et graves violations des droits de l’homme « a été négocié au plus haut niveau entre l’Espagne et l’Algérie » comme rapporté par le quotidien « La Razon ».
D’aucuns s’accordent sur l’insoutenable vide de la diplomatie européenne et ses limites d’action. Ceci est confirmé par l’actualité récente de la visite à Moscou de Josep Borrell, qui a tourné au cauchemar par l’expulsion in situ de trois diplomates européens, ou l’affaire « sofagate » survenue en Turquie où la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et le président du Conseil européen Charles Michel se sont donné en spectacle en se livrant à une guerre de fauteuils sous le regard amusé du président Recep Tayyip Erdoğan.
Tout comme dans l’affaire du dénommé Brahim Ghali, que les très officiels passeurs algériens ont affublé du sobriquet « Benbatouche », la diplomatie en chef européenne oppose un silence assourdissant sur les conditions infrahumaines dans lesquelles vivent les populations séquestrées à Tindouf, aggravées par la décision de l’Algérie de dévolution de ses pouvoirs dans ce territoire aux mercenaires du polisario.
Aucune réaction tonique et engageante non plus de la part de l’UE sur la dynamique que connait aujourd’hui la question du Sahara, notamment après la reconnaissance américaine de la souveraineté du Royaume sur cette région, à part les déclarations duveteuses sur « le soutien d’une solution politique ». Bref, un minimum syndical.
Le SEAE et la Commission européenne sont également aux abonnés absents quand il s’agit de s’informer ou prendre position sur l’embrigadement d’enfants soldats dans les camps de Tindouf.
Dans une réponse pour le moins étonnante à la question d’un eurodéputé sur cette situation, Josep Borrell a affirmé que « le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) et la Commission européenne n’ont pas connaissance du recrutement d’enfants soldats par le front polisario ni de leur participation à des défilés militaires ». Pourtant, la question a été portée sur les fonts baptismaux par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU à Genève et les preuves en documents et en images ne manquent pas.
Notons au passage que sur le scandale Ghali en Espagne, deux députés européens ont attiré l’attention de l’UE.
« En tant que citoyen européen, je me demande comment le gouvernement espagnol peut-il permettre qu’un criminel notoire (B. Ghali, Polisario) entre en Europe ? », s’est interrogé l’eurodéputé Attila Ara-Kovacs.
Pour lui, la coopération entre le polisario, l’Algérie et l’Espagne dans cette affaire est « inacceptable sur le plan de la sécurité » et « contraire aux valeurs européennes ».
« Je me demande comment est-il possible que les autorités espagnoles autorisent l’entrée illégale avec une fausse identité d’une personne comme Brahim Ghali, accusé d’avoir commis des actes de viol ? », s’est insurgé pour sa part l’eurodéputé tchèque Tomáš Zdechovský.
« Cela va à l’encontre de nos valeurs et de nos principes », a-t-il affirmé. Le silence confortable de la diplomatie européenne aujourd’hui sur une affaire aussi dangereuse que celle de l’accueil d’un repris de justice notoire par un État membre « démocratique et respectueux des droits de l’homme » sous une fausse identité pour qu’il échappe à la justice, risque de devenir un silence complice, un chèque en blanc aux criminels, aux violeurs et aux usurpateurs car… qui ne dit mot, consent !