
Par: Marco BARATTO ★

Le 2 octobre 2025 à Rabat, le ministre marocain des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, Nasser Bourita, a annoncé la finalisation des négociations relatives à l’amendement de l’accord agricole liant le Maroc et l’Union européenne (UE). Cet accord, qui sera signé à Bruxelles et appliqué provisoirement dès sa signature, représente une avancée significative pour le partenariat économique entre les deux parties.
Au-delà de ses implications techniques et commerciales, il constitue un signal fort de consolidation des relations Maroc-UE, notamment par la confirmation de l’inclusion des provinces du Sud dans le champ d’application des préférences tarifaires européennes. Ce geste traduit une reconnaissance implicite du rôle du Sahara marocain comme espace économique intégré et porteur de croissance.
Une avancée technique et symbolique
Selon M. Bourita, l’amendement de l’accord « apporte les clarifications nécessaires, dans le respect des fondamentaux nationaux du Royaume ». Les produits agricoles issus des provinces du Sud bénéficieront désormais des mêmes conditions d’accès au marché européen que ceux provenant du nord du pays. Pour garantir la transparence, un étiquetage spécifique indiquant les régions de production – « Laâyoune-Sakia El Hamra » et « Dakhla-Oued Eddahab » – sera apposé. Cette mesure répond aux préoccupations de l’UE en matière d’information du consommateur, tout en consolidant la place du Sahara marocain dans les échanges euro-marocains. Elle contribue également à ancrer l’idée que cette région n’est pas périphérique, mais constitue un véritable moteur de développement et un pont entre l’Europe et l’Afrique.
Un contexte géopolitique et économique plus large
Au-delà de la dimension commerciale, l’accord s’inscrit dans une dynamique politique. En effet, l’UE rappelle sa position de 2019, qui saluait les efforts « sérieux et crédibles » du Maroc pour parvenir à une solution politique autour de la question du Sahara, tout en prenant en compte le soutien de plusieurs États membres à l’initiative marocaine d’autonomie. M. Bourita a souligné que, sans être un accord politique, ce texte « envoie des signaux forts et clairs » quant à la crédibilité et la stabilité du Maroc dans la région. Le Sahara marocain se présente de plus en plus comme une zone de prospérité et un pôle d’attraction pour les investissements internationaux. Les initiatives récentes – telles que l’engagement des États-Unis, l’organisation du Forum économique Maroc-France à Dakhla le 9 octobre, ou encore les projets soutenus par l’agence britannique UK Export Finance – en témoignent.
Le Maroc, un partenaire fiable et stratégique pour l’Europe
Le partenariat agricole, loin d’être marginal, s’inscrit dans une relation commerciale dense : les échanges entre le Maroc et l’UE dépassent aujourd’hui 60 milliards d’euros par an, incluant les produits industriels, les équipements et les produits agricoles. Le Maroc se positionne ainsi comme le premier partenaire commercial de l’UE en Afrique et dans le monde arabe. Mais au-delà du commerce, Rabat et Bruxelles coopèrent dans une multitude de domaines : politique, migration, sécurité, environnement, numérique et culture. C’est cette dimension globale qui confère au partenariat Maroc-UE une profondeur et une stabilité rarement atteintes avec d’autres pays de la rive sud de la Méditerranée.
Le paradoxe du Piano Mattei : un Maroc sous-estimé
Pourtant, malgré ce rôle central, certains programmes européens et initiatives nationales de pays membres semblent minimiser la place du Maroc. C’est le cas du Piano Mattei de l’Italie, censé définir une nouvelle stratégie énergétique et économique vers l’Afrique. S’il met l’accent sur des partenariats avec l’Afrique subsaharienne et les pays producteurs de gaz ou de pétrole, il ne prend pas suffisamment en considération le Maroc, alors même que ce dernier est un acteur clé de la transition énergétique et un hub incontournable entre Europe, Méditerranée et Atlantique. Le Maroc est aujourd’hui l’un des leaders africains dans les énergies renouvelables, grâce à ses infrastructures solaires et éoliennes de pointe, et développe une stratégie ambitieuse autour de l’hydrogène vert. En outre, il constitue une plateforme logistique stratégique – grâce à Tanger Med et aux ports du Sud – qui relie efficacement l’Europe à l’Afrique subsaharienne. En négligeant le rôle du Royaume, le Piano Mattei passe à côté d’un partenaire stable, crédible et déjà intégré aux chaînes de valeur européennes.
Vers un partenariat encore plus approfondi
L’accord agricole amendé illustre la vision du Roi Mohammed VI, qui a toujours défendu un partenariat Maroc-UE fondé sur des projets concrets et bénéfiques aux deux rives. Il s’agit d’une nouvelle étape dans un processus plus large, visant à transformer les liens entre Rabat et Bruxelles en un partenariat stratégique global et durable. Dans un contexte régional marqué par des tensions persistantes et des crises structurelles, le Maroc apparaît comme un pôle de stabilité et un trait d’union entre Europe et Afrique. C’est cette dimension que l’UE gagnerait à pleinement reconnaître et intégrer dans ses stratégies futures. Alors que l’Europe cherche à sécuriser ses approvisionnements, à renforcer ses chaînes logistiques et à établir des alliances solides dans le voisinage sud, le Maroc se présente comme un partenaire naturel, fiable et incontournable.
En conclusion, l’amendement de l’accord agricole n’est pas seulement une question de tarifs préférentiels ou d’étiquetage. Il constitue une pierre de plus dans l’édifice d’un partenariat stratégique global entre le Maroc et l’Union européenne. Un partenariat qui mérite d’être consolidé et reconnu à sa juste valeur, au-delà des initiatives partielles comme le Piano Mattei, pour dessiner une coopération euro-méditerranéenne ambitieuse, équilibrée et tournée vers l’avenir .
★ Marco Baratto, essayiste italien, auteur du livre « Le défi de l’Islam en Italie »





