***Le principe du vote ne s’oppose pas au principe de transparence
Le milieu du cinéma a été secoué par une déclaration étonnante de Ghita El Khayat, nouvelle présidente de la Commission du Fonds d’Aide au Cinéma, lors de son entretien avec Bilal Marmid sur Medi1TV.
Plusieurs cinéastes ont pris attache avec LE COLLIMATEUR pour évoquer, selon eux, le propos malencontreux de Ghita El Khayat.
Nous avons visionné cette vidéo. À un moment, Bilal Marmid questionne la psychiatre, anthropologue et écrivaine sur la méthodologie de travail qui sera adoptée par la commission.
Mais l’entretien a dérivé en opposant le « principe du vote »… venant après que 11 membres eurent épuisé les débats et délibéré… au « principe de clarté et de transparence ».
Cette opposition n’est pas justifiée. Des interlocuteurs nous ont aussi précisé que dans cette commission… le « vote secret » ne peut avoir lieu car chaque membre sait ce que pense son collègue sur tel ou tel projet. Chacun défend publiquement son point de vue, parfois avec vigueur ! En plus on est dans le domaine du « jugement » de l’art et c’est un champ où personne ne détient la vérité !
Le vote est donc incontournable lorsque les membres n’arrivent pas à dégager un consensus sur un projet. Il faut faire émerger une majorité. Ce sont les règles basiques du débat démocratique !
Ghita El Khayat ne partage pas. Elle a déclaré que… lors de la seule session à laquelle elle a participé avec la précédente commission (après avoir remplacé Fatima Loukili en tant que présidente)… elle n’a pas du tout « approuvé » la « méthode du vote ».
Avant de citer ses propos, tenus face à Bilal Marmid, il faut rappeler que les « règles et méthodes de travail de la commission » sont fixées par l’arrêté conjoint du ministère de la Communication et des Finances N° 319.15 du 20 juin 2015.
Pour les professionnels du secteur, l’article 15 est clair:
« LES DÉCISIONS SONT PRISES À LA MAJORITÉ DES VOIX. EN CAS D’ÉGALITÉ DES VOIX, CELLE DU PRÉSIDENT EST PREPONDÉRANTE. »
***Un argument malencontreux
Ghita El Khayat a utilisé un mauvais argument pour justifier son rejet du principe du vote.
A partir de la 22ème minute de la vidéo, elle dit:
« Les votes qu’on a effectués lors de la précédente commission n’ont pas eu mon approbation. Pourquoi ? Parce que ce sont des votes imposés. Comme s’ils m’ont été imposés. Au-delà de ma volonté! MOI JE SAIS QUE CE PROJET NE DOIT PAS PASSER. ET IL EST PASSÉ !! (sic !) », regrette-elle !!!
Cette déclaration a été considérée comme maladroite par rapport à des décisions que Ghita El Khayat a validées par sa signature en qualité de présidente.
Comment la présidente « sait-elle » ou « peut-elle savoir » que ce projet doit passer et un autre ne doit pas passer ? Y aurait-il une autre instance parallèle d’évaluation des projets ? Et quels seraient les critères et sur quelles bases ?
Si la présidente « sait » à l’avance les projets qui « doivent » passer… pourquoi même une « commission »?
Ghita El Khayat souhaite-elle décider toute seule en se basant sur sa lecture personnelle des projets ? Dans ce cas, quid des discussions, des échanges et de la réflexion collective ? Une mise à l’écart des 10 autres membres ?
Rien dans le texte ne donne une « prépondérance » à la présidente pour juger, évaluer et trancher sur les contenus. La présidente est un membre de la commission. Sa voix compte double en cas d’égalité des voix.
C’est bien à dessein que les pouvoirs publics ont séparé les tâches et institué une commission… nommée par arrêté ministériel… afin de la protéger de toute influence.
Une commission maîtresse de ses décisions et responsable de ses choix de projets de films bien évidemment dans le cadre du respect des Constantes de la Nation.
D’ailleurs, la filmographie marocaine n’est que le résultat des décisions des différentes commissions dont chacune a travaillé selon sa sensibilité et sa vision… selon les profils de ses membres et la synergie établie entre eux. La pensée unique en matière d’art n’est pas de mise !
Certains professionnels du secteur estiment que Ghita EL Khayat a trop parlé. D’autres évoquent un « dérapage verbal » ! Cela ne contribue pas à la sérénité, ni à l’apaisement du climat tendu entre les différents intervenants et acteurs du monde du cinéma.