Par: Mohammed El Qandil*

« Homme libre, toujours tu chériras la mer ! » Charles Baudelaire.
C’est pour la mer que je veux déployer mon songe.
Point d’excuses à prendre des sables ou du souvenir. Juste un mot fiable et un verbe à la hauteur de nos destins.
Ulysse, sûrement, viendra à mon secours. Saura me prêter l’image nécessaire. Lui, au moins, a su dompter le chant séducteur des sirènes. Priver la nostalgie de ce bleu qui voyageait avec les yeux des marins. Lui, au moins, a su être au côté de l’amour qui rimait ses yeux.
Il se tiendra au seuil des mots, au bout du silence qui ne prendra rien du chemin parcouru. Aura-t-il l’audace de me dicter les pas sur le lit glissant de l’oubli ? Prendra-t-il sa passion à deux mains pour y puiser l’essentiel cuisant de ce désir déloyal ? Détournera-t-il le visage, comme Béatrice, au sein du paradis rêvé par Dante rien que pour elle ?
Voici que mes pieds me rappellent la douceur de l’eau. Me rivent à leur dialogue avec le sable. Voici qu’ils mènent la dance de ceux qui ne demandent rien à la vie à part la paix. A part la solitude heureuse des poètes ou le regard profond des gens qui ouvrent les portails gais de la connaissance.
Voici que la vague ramène une bouteille vide de papier. Exige un aveu délaissé au bout du chemin qui n’en finira jamais. Elle appelle la contrainte du sens, ou celle de l’amour vivant dans les nuits sans doute trop étoilées de regrets. Heathcliff dans les Hauts de Hurlevent ne saura plus comment s’arrêter de crier sous la fenêtre de sa bien-aimée. Comment se débarrasser du loup qui louvoyait dans son cœur.
Avec la mer, la perte paraît toujours infinie !
Me revient, maintenant, la chute de la vague. Doucement, encore, elle berce ce qui reste de tristesse inédite, d’histoires qui ne peuvent se dire qu’au fond d’une retraite inconnue ou un bruit trop sourd pour y accorder les fibres. M’est présent ce cercle d’eau qui roule sur lui-même comme un tapis délicieux et fragile : les amours sont à caresser dans l’oubli de soi ou à écrire sur les murs des cités qui ne sombrent que pour mêler nos légendes aux leurs.
Les Amours vivent mieux dans les tombes !
Me revient, encore une autre fois, cette barque qui est passée à côté de moi. Ce marin qui m’a souri comme s’il se moquait de ma naïveté primitive, de ma spontanéité par trop loquace et faillible. Il vient de finir son combat à l’instar du Vieil homme et la mer. Il m’a souri en levant la main, s’illuminant le visage d’ une affabilité libératrice, un mot tu et rare, une bonté qui bat le sel de la mer et le revoie pleurer ailleurs.
La barque est vide. Le retour est blanc. Les mains si généreuses avec les fils qu’il aura à disposer tout à l’heure. La mer ne demande rien. Lui non plus.
Il a compris qu’au bout du compte la mer n’est que miroir où on ne retrouve que soi-même.
Tanguer est peut-être ce qui nous reste à vivre dans l’intimité la plus souveraine !
*Poète, chercheur en littérature et arts plastiques /Inspecteur pédagogique