Les jeudis de Mohammed El Qandil. Jubilations féminines

Par: Mohammed El Qandil ☆

 

Je n’ai rencontré les œuvres de Souad Sahel que sur le tard. Mais le temps a-t-il de la valeur quand il s’agit d’œuvres d’art ? La rencontre était pour moi une découverte. Belle. Euphorique, dirais-je, tant son sujet de prédilection est les femmes, ces géantes selon l’heureuse expression de Bobin.

Peintre douée, habitant à Casablanca, cette femme, très discrète par ailleurs, intrigue le récepteur à plus d’égards. Non seulement elle ne commente jamais son œuvre, mais ne déploie aucun texte introduisant son approche plastique, sa vision des choses, sa démarche créatrice, sa conception de l’œuvre d’art en tant que produit esthétique, sociologique… faisant partie d’un courant ou d’une tendance picturale.

 

 

Silencieuse, de ce silence qui instruit plus qu’il n’occulte les signes, voici que cette artiste- peintre fait montre d’une conviction sans faille envers son geste créateur : le portrait dans toute sa splendeur. Pour son récepteur, en effet, il s’agit d’un travail assidu sur des portraits de femmes, dans des positions très calculées, des postures qui appellent, des fois la compassion, des fois l’admiration, et des fois la surprise et l’étonnement, tant le geste est osé, la vision renouvelée ou provocatrice.

Des femmes donc, de tous les âges, habillées différemment, nous regardant souvent de face, rarement de profil, riantes, pleurantes, jubilantes, fières, gesticulantes, tenues à l’écart ou dedans une scène de danse… comme si par ces face à face avec le récepteur elles ne cessaient de l’interpeller, de lui poser la question, de vérifier son adhésion ou au contraire son éloignement vis-à-vis de leur Etre et de leur Paraître… Comme si elles lui demandaient de se définir par rapport à elles, à leurs actes et croyances.

C’est que les femmes de Souad Sahel, contrairement à ce qu’on peut penser, ne sollicitent aucunement une quelconque aubaine de la part des hommes, ne cherchent non plus à leur plaire ou les satisfaire. Loin s’en faut, leurs attitudes démontrent sans coup férir qu’elles les défient, les mettent à l’épreuve, les arrachent, via une rébellion pétillante, à leur éternelle virilité.

Tantôt teintées de blanc, de rose,  de jaune, de noir, de bleu… tantôt produites sur un fond monochrome ou polychrome, supports variés, techniques diverses, voici que les femmes de Sahelpar-delà ses états d’âme- illustrent un engagement persistant et fort respectable de son féminisme, de son combat acharné, me semble-t-il, pour la condition de la femme au Maroc et partout dans le monde. Engagement on ne plus remarquable et salutaire car il est jubilant et plein d’espoir, confiant dans l’avenir des femmes, de leurs rôles cruciaux dans la construction d’une société heureuse et égalitaire, fécondée par le rêve, baignée dans le vent de la liberté.

Pas de surprise donc si vous trouvez que les femmes de Sahel sont radieuses même dans leur tristesse. Alléchantes dans leur brisure. Têtes dressées dans leur déception. Pas d’étonnement aussi si leurs traits ne sont pas précisés et marqués – trop- culturellement : l’engagement du peintre, loin d’être grinçant et étriqué, s’inscrit dans une perspective hautement poétisée, humaine et universelle.

A l’instar des artistes- peintres de talent, Souad Sahel peut affirmer – grâce à sa démarche plastique – que la Femme est l’avenir de l’homme, que féminiser le monde revient à l’habiter poétiquement.

Poète, chercheur en littérature et arts plastiques/ inspecteur pédagogique