Abderrahmane El Youssoufi, ce grand homme d’Etat, ce militant invétéré, ce journaliste par conviction, cet inlassable résistant nous a quittés. Son départ laisse orphelins la politique, le militantisme, l’humanisme, l’humilité, l’intégrité et la fidélité à la Nation.
L’homme qui vivait avec un seul poumon a concentré dans son corps frêle et son esprit vif tous les combats pour la liberté, la démocratie et les droits de l’homme. Sa vie a été marquée par une succession de tempêtes militante, politique et étatique mais cet homme d’un exceptionnel courage et d’une force tranquille est resté dévoué à sa patrie jusqu’à ce qu’il ait rendu l’âme dans la nuit du jeudi-vendredi 29 mai 2020.
Les Marocains d’aujourd’hui et d’hier le connaissent bien sous toutes les coutures sauf celle d’un homme qui était passionné par le football. Et quel football ? Car le ballon rond était pour celui qui s’est engagé dans la politique à l’âge de 19 ans un moyen subtile pour véhiculer l’esprit de la résistance contre le colonialisme.
Quand en 1944 l’étau de la police coloniale s’est resserré sur lui, il s’est enfui de Tanger pour rejoindre Casablanca où il constitua une cellule de résistance au sein de la classe ouvrière. Il travailla comme enseignant à la Cosumar pas loin de Hay El Mohammedi, fief de la résistance, du TAS et des grandes figures de la politique, de la culture et du sport.
C’est là qu’il a découvert l’engouement des jeunes pour le football pour s’engouffrer dans ce milieu et encadrer politiquement un grand nombre de footballeurs sans éveiller les soupçons de l’autorité coloniale. Les cellules de la résistance vont éclore au sein de plusieurs clubs mais malheureusement le déclenchement de la deuxième guerre mondiale va pousser les autorités coloniales à suspendre le championnat de la ligue.
Bien naturellement, Abderrahmane Youssoufi a poursuivi ses activités de résistant et revient à la charge dès la fin de la guerre. A l’époque, les festivités de la fête du Trône de déroulaient le 18 novembre de chaque année. El Youssoufi en fin stratège en a profité pour instituer avec ses pairs une coupe du Trône de football dont les éliminatoires commençaient le même jour. C’est ainsi que l’idée de cette précieuse compétition est née attirant alors une grande foule et formant autant de résistants.
Constatant que le football était un véritable vecteur de lutte, El Youssoufi s’en est servi jusqu’à l’indépendance du Maroc. Il sera d’ailleurs l’un des fondateurs de la Ligue libre marocaine de football où évoluaient des équipes comme le FUS de Casa, Hayat, Najah, Atlas, WAC et bien d’autres.
Autant dire que dans ce bas-monde de notre cher Maroc, tout le monde doit quelque chose à feu Abderrahmane El Youssoufi: la patrie, les politiques, les militants, les journalistes et les footballeurs.