
Par: Mohamed KHOUKHCHANI

Dédicace :
« À l’ombre du présent absent…
À mon ami dont les pas, dans les rues d’Oujda, de Meknès et de Montpellier, dessinaient des chemins de noblesse et de loyauté.
À Mustapha Azzaoui, l’homme qui nous a enseigné que l’engagement pour la cause des plus démunis est le plus haut degré de l’humanité.
Tu resteras présent dans chaque sentier que nous parcourons, et dans chaque souvenir qui s’éveille. »
Sous un ciel bas et généreux de pluie, Montpellier nous a ouvert ses bras ce lundi d’hiver.
Ce lundi 22 décembre 2025, mon épouse et moi avons choisi la marche lente, celle qui laisse au cœur le temps de se souvenir et aux pas le loisir d’écouter la ville.
La place de la Comédie, vaste scène à ciel ouvert, nous a accueillis dans un décor lavé par l’averse. Les pavés luisants reflétaient les façades élégantes, comme si la ville cherchait à se reconnaître dans ses propres miroirs.
À peine arrivé, un souvenir ancien, mais intact, m’a saisi avec douceur et gravité : une journée partagée ici même avec mon regretté ami et camarade Mustapha Azzaoui.
C’était un autre temps, une autre saison de la vie.
Avant de nous perdre côte à côte dans les ruelles piétonnes de l’Écusson, ce cœur ancien de Montpellier où les pierres racontent des siècles d’histoire, nous avions pris un pot à la terrasse du café 1893, en compagnie de son épouse Suzanne. Les mots circulaient alors librement, portés par l’amitié, la complicité et cette chaleur humaine qui émanait naturellement de Mustapha.
Aujourd’hui, en passant devant ce même café, la pluie n’a pas suffi à dissiper l’émotion. Le souvenir s’est imposé, vif, presque palpable. Mon épouse connaissait Mustapha comme un ami de la famille ; je n’ai donc pas hésité à lui rappeler quelques-unes de ces anecdotes qui disent mieux que de longs discours la générosité, la bonté de cœur et l’engagement sincère de cet homme hors pair.
Mustapha Azzaoui, partout où il passait, laissait une empreinte humaine profonde.
À Meknès, sa ville d’adoption, il avait consacré sa vie à plaider la cause des classes sociales les plus défavorisées.
À Oujda, sa ville natale, où il avait vécu son enfance, son adolescence et ses années d’études, il restait ce fils fidèle, attaché à ses racines et à la mémoire des lieux.
Son parcours était à l’image de son caractère : droit, humble et profondément solidaire.
La pluie continuait de tomber, discrète mais persistante. Après la Comédie, nous avons flâné parmi les magasins et boutiques alentour, ces lieux de passage où se croisent habitants pressés et voyageurs de circonstance. Puis, toujours à pied, nous avons gagné l’Arc de Triomphe, dominant la promenade du Peyrou. Le marché de Noël, habituellement animé, était fermé ce jour-là, peut-être retenu par le mauvais temps. Le silence donnait au lieu une solennité particulière, presque méditative.
Nous avons alors repris notre chemin en direction des Roses, chez mon neveu Haj Noureddine. Après avoir quitté la place du Peyrou par la rue de la Merci, nous avons traversé ce quartier dit des Maghrébins, chargé de mémoire et de brassages humains.
À la rue Daru, la marche s’est faite plus familière, plus intime, comme si la ville changeait de voix. Là, à l’angle de la rue du Faubourg Figuerolles, une sandwicherie faisant pignon sur rue nous a naturellement arrêtés. Sous la pluie, attirés par les parfums simples et chaleureux, nous nous sommes offert un moment de gourmandise : un karantika, ce sandwich modeste et savoureux dont les ingrédients essentiels — œufs et farine de pois chiche — racontent à eux seuls toute une géographie affective.
Très répandu à Oujda comme à Oran, ce goût familier a fait naître un pont invisible entre les rives de la Méditerranée, entre le présent montpelliérain et les souvenirs d’ailleurs.
Ainsi s’est achevée cette randonnée pédestre : une marche sous la pluie, entre pierres séculaires, saveurs populaires et mémoire fidèle, où la beauté des lieux visités autour de la prestigieuse place de la Comédie s’est mêlée, sans effort, au souvenir vivant d’un ami disparu mais jamais absent.
Car certaines présences, même après le départ, continuent d’accompagner nos pas, dans les rues, dans les saveurs et dans le silence complice de ceux qui marchent ensemble.
Post-Scriptum :
Le Café Riche (historiquement lié à l’année 1893).
Situé au cœur battant de la ville, le Café Riche est l’un des établissements les plus célèbres de la place de la Comédie. L’inscription « 1893 » orne sa façade, rappelant l’année de sa création et son ancrage historique dans le paysage montpelliérain.
Adresse : 8 Place de la Comédie, 34000 Montpellier.
Ambiance : C’est une véritable institution qui propose une cuisine française classique. Sa vaste terrasse, bien que soumise aux aléas de la météo comme lors de ma promenade en compagnie de mon épouse sous la pluie, offre une vue imprenable sur les façades haussmanniennes de la place et sur l’Opéra National.
Horaires : Ouvert tous les jours de 07h00 à 01h00, ce qui en fait un lieu de rendez-vous privilégié du petit-déjeuner jusque tard dans la nuit.
Contact : +33 9 80 24 50 63.
Ce café, avec ses miroirs et son décor élégant, reste le témoin privilégié des rencontres et des souvenirs, comme ceux que j’avais partagés avec mon ami Mustapha Azzaoui. Malgré les changements de temps et de saisons, il demeure un point de repère immuable pour les habitants et les voyageurs.






