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Ben Ahmed: Qui veut salir l’image de la capitale des Mzab?

Par: Zakia Laaroussi 

À l’heure où l’on s’acharne avec une facilité déconcertante, où l’on s’extasie devant des titres sensationnalistes, les villes se voient flagellées à coups de manchettes bon marché, réduites à des clichés qui trahissent leur réalité profonde. Tel est le sort tragique qu’a connu Ben Ahmed, village marocain ancestral, soudainement désigné comme synonyme de crime, alors que ses repères historiques, sa culture et la dignité de ses habitants ont été relégués dans l’ombre.

Un crime, aussi abominable soit-il, ne saurait définir une ville, ni effacer son histoire. Certes, Ben Ahmed — ou plus précisément la région de Mzab — a été le théâtre, à la fin du mois d’avril, d’un acte ignoble qui a bouleversé l’opinion publique. Et si la société est en droit d’exiger justice, il est intolérable de réduire une ville toute entière à une anomalie ponctuelle. Car plus grave encore que le crime lui-même fut la manière dont les médias et les plateformes sociales s’en sont emparés. Du jour au lendemain, Ben Ahmed ne fut plus perçue comme un ancien foyer tribal, ni comme un centre d’effervescence agricole et culturelle, mais comme un simple décor macabre façonné par un individu dérangé qui ne représente que lui-même.

 

 

Comment une région riche de son identité — de Mzab à la Chaouia — a-t-elle pu être transformée en dépotoir médiatique ? Non ! Mille fois non ! Ben Ahmed est le cœur battant des tribus de Mzab, enracinée dans l’humus profond de l’histoire. Elle vit encore au rythme de ses zaouïas soufies, de son vénérable sanctuaire de Sidi Omar, et de ses traditions sociales solidement tissées. C’est une ville de quiétude, d’agriculture, d’authenticité humaine, et du noble art de l’L3alwa ». Comment, alors, tant de richesse pourrait-elle se voir réduite à une seule scène sanglante ?

Quelle logique perverse fait d’un incident criminel isolé le miroir d’une région toute entière ? Pourquoi ne regarde-t-on pas l’autre visage de Ben Ahmed : ses champs fertiles, ses marchés populaires, sa cohabitation harmonieuse, son hospitalité rurale innée ? Pourquoi écarte-t-on toutes ces images lumineuses pour se repaître du pire — ce pire qui, pourtant, peut surgir n’importe où sur cette planète ?

Nous sommes confrontés à une presse à sensation, à un discours qui dépouille les villes de leur honneur. Les médias nationaux, tout comme des milliers de « créateurs de contenu », ont une fois de plus cédé à la tentation du spectaculaire. Sans chercher à comprendre le contexte, sans s’interroger sur la réalité du village, sans offrir une parole lucide — ils se sont contentés d’une « mise en scène noire ». Comme si Ben Ahmed était née du crime.

Résultat : on marque la ville d’un sang qui n’est pas le sien, on la recouvre d’un voile sinistre, comme si ses habitants étaient complices d’un acte qu’ils n’ont ni commis ni voulu.

Ben Ahmed crie : « Nous ne sommes pas des meurtriers… nous sommes les enfants de cette terre. » Ce cri n’est pas seulement une dénonciation de l’injustice médiatique ; c’est une requête pour une réparation morale. Nul ne nie l’atrocité du crime, mais nul ne saurait tolérer que toute une région en porte le fardeau. Les fils de Ben Ahmed — enseignants, agriculteurs, intellectuels, notables — méritent le respect, non l’humiliation. La ville saigne d’une blessure infligée par une presse qui ne voit que le sang.

Chaque ville, chaque village peut connaître un drame. Mais la justice véritable ne réside ni dans la généralisation, ni dans la stigmatisation. Nous demandons aux médias nationaux et aux voix numériques de faire preuve de retenue et d’équité, de rechercher l’objectivité plutôt que l’émotion, et de se souvenir qu’au-delà du nom « Ben Ahmed », ce sont des milliers d’histoires dignes qui attendent encore d’être racontées.

Assez de mépris.
Assez de déformation.
Assez de commerce avec les malheurs des autres.

Ben Ahmed demeurera, malgré tout, une terre d’histoire, d’agriculture, de spiritualité et de pureté.

Et que ceux qui veulent la connaître vraiment s’y rendent…

Plutôt que de la réduire à une scène sanglante dans une vidéo virale.

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