En Algérie, la liberté de la presse est confrontée à de nombreuses lignes rouges et le simple fait d’évoquer la corruption et la répression des manifestations peut valoir aux journalistes menaces et interpellations, souligne l’organisation Reporters sans frontières (RSF) dans la 20ème édition du Classement mondial de la liberté de la presse, dévoilé mardi.
Le paysage médiatique en Algérie « n’a jamais été aussi détérioré »: les médias indépendants sont sous pression, les journalistes sont régulièrement emprisonnés ou poursuivis, et plusieurs sites internet sont bloqués, note RSF, ajoutant que le climat politique est « très tendu », notamment depuis l’élection du président Abdelmadjid Tebboune, en décembre 2019.
« Médias et journalistes subissent de nombreuses pressions, dont la majorité sont exercées par la présidence de la République, les partis politiques, les services de sécurité et les autorités locales », souligne-t-on, faisant remarquer qu’il est « très difficile » pour les reporters d’effectuer leur travail de manière libre et indépendante alors que « le pouvoir politique a une influence directe sur la nomination et le licenciement des responsables des médias et des autorités de régulation ».
Selon RSF, les menaces et intimidations auxquelles sont confrontés les journalistes sont en « constante augmentation » et « il n’existe aucun mécanisme de protection », relevant que les reporters critiques des autorités peuvent subir des détentions arbitraires, font l’objet d’une surveillance et sont placés sur écoute.
Les journalistes indépendants ou proches du Hirak, le mouvement de contestation populaire lancé en février 2019, peuvent être la cible de menaces en ligne et de campagnes de haine lancées par des “mouches électroniques”, des comptes anonymes proches du pouvoir, déconce l’ONG.
En outre, elle fait état d’un cadre législatif « de plus en plus contraignant », en notant que si l‘article 54 de la Constitution garantit la liberté de la presse, il encadre également la diffusion d’informations et d’opinions qui doivent respecter “les constantes et les valeurs religieuses et culturelles de la nation”, menaçant ainsi la liberté des journalistes.
Une réforme du code pénal, adoptée en 2020, criminalise de un à trois ans de prison la diffusion de « fausses nouvelles » et de « discours haineux » visant à porter atteinte « à l’ordre et à la sécurité nationale » ainsi qu’ »à la sûreté de l’État et à l’unité nationale », rappelle-t-on, précisant que ces textes sont « régulièrement utilisés pour poursuivre et condamner les journalistes ».
« Dans ce contexte, la censure et l’autocensure sont largement répandues », déconce Reporters sans frontières.
Concernant le contexte économique en Algérie, RSF relève que le secteur privé souffre depuis 2019, et plusieurs médias et chaînes de télévision ont dû fermer, notamment car les organes de presse sont privés de publicité, ajoutant que “les subventions d’État ne sont octroyées qu’aux médias publics ou aux médias privés proches du régime”.
Par ailleurs, RSF fait observer que l’environnement social et culturel des journalistes diffère du nord au sud. Dans les villes de l’intérieur du pays, les associations locales, le préfet et les groupes religieux ont un pouvoir important et imposent la censure aux journalistes, ajoute RSF.