S/t. Production artistique soutenue et présence retenue
L’artiste plasticien Abdelilah Lahbabi est de la génération artistique de Jilali Gharbaoui, Mohamed Kacimi, Miloud Labied, Glaoui,… avec qui il a exposé au début des années 70. C’est un nom distingué de la peinture marocaine moderne.
Les amateurs d’arts plastiques auraient souhaité une présence plus marquée d’Abdelilah Lahbabi. Bien qu’il soit très productif, constamment dans la recherche et la création, ses expositions individuelles sont rares.
Par exposition individuelle on entend ce moment où un artiste plasticien montre au « grand public » l’état d’avancement de ses recherches, de son expérience ou de ses expérimentations… nonobstant le volet commercial!
Il y a quatre ans, il a présenté une rétrospective sous le thème «Lahbabi ou l’Architecture Poétique» à la galerie La Palette d’Or à Casablanca. Ses précédentes expositions individuelles ont eu lieu au début des années 70: à la galerie la Découverte et au Centre culturel américain à Rabat,… à la galerie le Savouroux à Casablanca. Et sa première exposition fut organisée à Charleroi en Belgique en 1965.
C’est aussi un choix, parce que Lahbabi, connu aussi pour son affabilité, estime que les expositions de groupe sont porteuses d’une dynamique de partage humain et d’échanges artistiques très importante à ses yeux.
A l’occasion d’un grand nombre d’expositions collectives, on a tous pu admirer l’amplitude et la densité de ses oeuvres.
S/t Des exercices de l’artisanat aux arts plastiques et à la composition numérique
Natif de Fès, Lahbabi est venu spontanément à l’art. Dans sa jeunesse, il dessinait et peignait constamment. Il a aussi exercé ponctuellement des tâches dans les métiers traditionnels du zellige, la poterie, la menuiserie, la teinture de laine, la gravure et dessin sur plateaux de cuivre,…
Lorsqu’il était étudiant en Commerce et Finances en Belgique et en France, il est toujours resté investi dans la réflexion et l’exploration artistiques.
A son retour au Maroc, il entama sa carrière au ministère des Finances mais la passion de l’art primait. Son administration lui a rendu plusieurs fois hommage en sa qualité d’artiste.
Il croisa aussi le chemin de l’écrivain marocain Ahmed Sefrioui, un des fondateurs de la littérature maghrébine d’expression française et auteur de l’œuvre culte «La boite à merveilles». Ahmed Sefrioui qui était aussi directeur des arts et des musées au ministère de la Culture l’encouragea à perfectionner son talent. Il l’aida à poursuivre ses études à l’Ecole d’Art et d’Architecture de Marseille de 1971 à 1976.
A son « deuxième » retour au pays et muni de « nouveaux concepts »… il fut pionnier dans l’introduction au Maroc de la composition numérique et du traitement de l’image et de la couleur par scanner.
Mais il a toujours trouvé le temps pour construire son œuvre à travers le dessin, la peinture, la calligraphie, l’estampe, la photographie. Lahbabi est aussi designer, plasticien de l’environnement, et spécialiste en arts graphiques.
S/t. Dessin, abstraction et pixellisation
En général, la créativité de Lahbabi se déploie dans trois directions: la figuration articulée autour du dessin et le portrait… l’abstraction qui laisse un champ très libre à la couleur… et enfin la pixellisation.
Lahbabi accorde une place importante à l’acte de «dessiner»: «Je fais tout le temps des portraits. Avant même de commencer à peindre, je prends un crayon et des feuilles et je dessine. C’est un exercice préalable d’importance. J’estime que le dessin est le geste fondateur. L’architecte avant de prendre sa règle et son compas «crayonne». Il en est de même du désigner, du couturier, du modéliste, … Tout objet est d’abord saisi en dessin. Il est la base de la créativité », dit-il.
Ses premières œuvres (dessins, encres, portraits,…) étaient marquées par cette vision. Il est bien évident que «le dessin» est l’acte «matériel ou concret» lié étroitement au premier souffle de l’inspiration ou de l’imagination. Et lié aussi à la magie d’un « instrument » qui dépose la « trace »… : plume de roseau, plume d’oiseau,…ou bien plus tard plume métallique, crayon ou stylographe…
Toutefois, Lahbabi se revendique aussi comme artiste explorateur qui » évite de s’éterniser dans une conception et refuse toute redondance dans l’expression ». Il s’intéressa à la fin des années 60 à l’abstraction qui constitua pour lui une nouvelle direction.
Son abstraction lyrique magnifie le travail des couleurs et la profusion de leurs nuances. Ses premières toiles ont montré, comme il le souligne, «la chaleur de couleurs assez vives», traversées par la «synchronie/harmonie» … pour, dit-il, « aller à la philosophie de la chose ».
Sa troisième direction, la «pixellisation» a constitué un nouvel horizon esthétique. Des œuvres réunissant à la fois les éléments du dessin structuré, de l’art graphique et la force de l’abstraction colorée.
Avec «la pixellisation», il a construit un univers plastique qui consacre sa passion pour «le sens du détail et le sens du global»… son goût pour la «couleur et sa fraîcheur» … et son intérêt pour «la forme dans sa simplicité comme dans sa complexité».
Maîtrisant aujourd’hui une technique picturale qui lui est propre, il réalise des compositions «pixel acrylique sur toile» sur la base d’unités marquées par un chromatisme intense et une impressionnante minutie et harmonie dans la fragmentation et le découpage.
Les dernières créations d’Abdelilah Lahbabi, que nous sommes peu nombreux à avoir vues dans son atelier, appelle certainement à une nouvelle exposition qui marquera… non pas le retour mais tout simplement… un autre jalon de son riche parcours.