UNE ŒUVRE. UN ARTISTE. MOHAMED HAFIDI. LE PARI RELEVÉ DU «MODERNE» ET DU «CONTEMPORAIN»

Précisons tout de suite que par «art contemporain» nous optons pour l’acception de Nathalie Heinich qui ne le définit pas par la «CHRONOLOGIE» mais par des «CRITÈRES». Nous en citerons quelques-uns.

Selon Heinich, l’art contemporain repousse les limites de la notion d’œuvre d’art et il est en rupture avec les conventions de l’art moderne. Il est dans l’expérimentation continue et l’invention permanente. Il est beaucoup plus préoccupé par la conception de l’œuvre et moins impliqué dans sa fabrication. Il est pleinement imprégné de la culture du temps présent, etc.

La chercheuse n’inclut que ce qu’il y a de remarquable et intéressant dans l’art contemporain, et non pas ses dérives sans intérêt.

Ceci étant précisé et pour revenir au projet artistique de Mohamed Hafidi, il est clair qu’il s’inscrit dans une démarche de synthèse cherchant à lier  entre «modernité» et  «contemporanéité». Animé par un souci d' »invention permanente », son travail évolue dans une «zone frontière» entre plusieurs champs de créativité.

C’est toujours dans cette «zone de contact» entre écoles, courants, tendances, époques… que la recherche est la mieux inspirée… pouvant aussi aboutir à des ruptures fécondes. L’imaginaire de l’artiste explore, interroge ou fusionne plusieurs références et techniques.

Par exemple dans l’exposition «Éclats chromo-métalliques» à Rabat  en 2017, Mohamed Hafidi a présenté des travaux se déployant, simultanément, dans trois directions.

Des toiles en technique mixte avec un chromatisme intense lié à des formes géométriques; des œuvres fusionnant le cuivre et le bois avec incrustation de motifs et enfin des créations issues d’usinage de métaux, par le laser, comme l’acier ou l’aluminium.

L’imaginaire libéré s’est déployé en trois modes de créativité, complémentaires et non superposés. La cohérence du tout étant nourrie par un même souffle… et traversée aussi par des figures géométriques élaborées qui en font l’unité.

Les œuvres «métalliques» de Mohamed Hafidi (dans la lignée de l’art contemporain) en formes de bas-relief et déclinant des jeux de masse à forte tri-dimensionnalité… dégagent une équation esthétique singulière.  Même si l’œuvre est accrochée tel un «quasi-tableau»… il ne s’agit pas de l’accrochage ou de l’encadrement « convenus ».

D’autres lectures y ont vu «l’expression d’une tension issue de l’ère industrielle» (Azzam Madkour)… ou une «poétique du métal» (Benyounes Amirouche) ou bien des œuvres inscrites dans «le patrimoine visuel contemporain et post-moderne en général» ( Mohamed Chiguer)

Il est clair que l’imaginaire de Mohamed Hafidi «circule» avec aisance et fluidité entre «l’atelier de peinture»  et  «l’atelier industriel-factory». Il est difficile de le confiner dans un seul champ… par conséquent, il est  pleinement inscrit dans la culture de son temps.

Un temps marqué par les fusions interculturelles, les assemblages, les hybridations… ce vaste champ de la post-modernité où tout est mouvant.

Hafidi tient à cette  «hybridité créative» qui constitue le concept clé de ses expositions depuis 2014.  Elle illustre le «relativisme  artistique» d’aujourd’hui … où rien n’est figé, où les frontières sont perméables.

Toutefois, à la différence des  «créateurs  contemporains» centrés sur la conception ou l’idée de l’oeuvre… et qui la confient  à des «techniciens collaborateurs»  pour sa réalisation… Mohamed Hafidi a une démarche originale. Il  n’est pas dans le «faire faire», il prend en charge entièrement son projet, de la maturation de l’idée à sa réalisation ou matérialisation.

Designer, infographiste, artiste-peintre, architecte d’intérieur, spécialiste des métiers d’art… son œuvre invite à interroger  le sens de la créativité plastique aujourd’hui. Sa polyvalence fait de son expérience  une des plus intéressantes parmi celles des artistes de sa génération.