Le football national a été de tout temps tiraillé par la très mauvaise cohabitation entre dirigeants et entraîneurs. Ce qui n’est pas une exception marocaine puisque les relations entre les deux parties sont tout aussi conflictuelles sous d’autres cieux quand les résultats ne suivent pas. Mais on oublie qu’au sein de la corporation des entraîneurs, les rapports sont beaucoup plus tendus à cause de la concurrence parfois loyale mais souvent déloyale que se livrent les uns contre les autres. Il ne faut pas se leurrer, ni l’Amicale des entraîneurs du Maroc dirigée, depuis des lustres, par l’indéboulonnable Mendoza, ni la Rabita des entraîneurs du Maroc récemment créée, n’ont jamais réussi à accorder les violons des cadres techniques.
Chacun joue solo et tire les ficelles quand un collègue se trouve en difficulté dans un club pour essayer de le remplacer. Les entraîneurs n’ont aucun état d’âme quand l’état de leurs finances ne vont pas bien quitte à entraîner une équipe condamnée à la relégation. Ils n’en ont cure de se suicider professionnellement tout en sachant qu’entraîner une équipe qui sombre dans la division inférieure écorche sérieusement leur réputation.
C’est une évidence. Chacun défend son pré-carré mais en agissant individuellement, ils sont devenus des proies faciles devant des dirigeants devenus de plus en plus omnipotents. Ces derniers ne se gênent aucunement de commencer des négociations avec un entraîneur pendant qu’un autre est toujours lié par un contrat avec le club. Il ne faut pas s’étonner, outre mesure, si à la mi-saison de la Botola Pro, suspendue depuis le 14 mars à cause du covid-19, 16 entraîneurs ont été limogés par des dirigeants qui ne courent qu’après les résultats immédiats sans jamais penser à la construction d’un club compétitif.
Normal qu’un président comme Hasbane ait viré l’entraîneur Rachid Taoussi le 7 août 2017 et l’ait remplacé au pied levé par M’hamed Fakhir le 10 du même mois. Ce qui est aberrant, c’est que Taoussi a été refoulé le 9 août du complexe l’oasis du Raja alors qu’il avait rendez-vous avec le comité directeur pour finaliser la résiliation de son contrat.
Certes la fédération, sur une proposition de l’Amicale des entraineurs, avait essayé de mettre fin à cette valse des entraîneurs toujours assis sur des sièges éjectables. Cette loi consiste à interdire à tout entraîneur de D 1 qui a rompu son contrat au cours de la saison d’entraîner une autre équipe de même niveau. Autant dire qu’un technicien limogé doit chômer et attendre la saison prochaine pour essayer de trouver un autre poste.
Au lieu de solutionner le problème, cette décision, jugée par ailleurs illégale, n’a que compliqué davantage la situation des entraîneurs. D’où la tension actuelle qui ne concerne pas seulement les clubs mais aussi la direction technique de la fédération. Les techniciens qui n’ont pas été recrutés crient au scandale et au clientélisme, voire à une discrimination régionale. C’est pour cela qu’il ne faut pas donner beaucoup d’importance à l’enregistrement audio attribué à Abdelkader Youmir où il critique l’instance fédérale et la DTN. Ce genre d’attitude existe depuis belle lurette et nombreux sont les entraîneurs qui se sentant lésés tirent à boulets rouges en privé sur la fédération. Ils n’hésitent pas à s’en prendre à leurs collègues, retenus dans la DTN, en allant jusqu’à renier leurs compétences.
Autant dire que l’audio de Youmir reflète le malaise qui existe dans la corporation des entraîneurs et ce même quand ils sont regroupés dans une même association. Car il ne faut pas oublier que Youmir a reconnu que ses propos ont été enregistrés lors d’une réunion de la Rabita des entraîneurs marocains. C’est donc un collègue qui, certainement l’aime bien, s’est chargé de le descendre pour sous-traiter l’enregistrement audio à qui veut le diffuser sur les réseaux sociaux. Il y a quelques semaines, l’entraineur du Raja, Jamal Sellami, a été, lui aussi, piégé par un enregistrement téléphonique où pourtant son interlocuteur approuvait les critiques qu’il proférait envers la fédération. Diffusé sur les réseaux sociaux, cet audio a valu à Sellami 4 matchs de suspension assortie d’une amende de 30.000 dirhams. Quand on vous dit que les entraîneurs se détestent mutuellement, c’est qu’ils ont toujours été testés positifs à la calomnie et aux coups bas.