Dans une chronique parue lundi dans le magazine « Le Point » sous l’intitulé « Vent glacial entre le Maroc et la France », l’écrivain Tahar Ben Jelloun revient sur le tollé suscité par les restrictions de visas pour les Marocains, dénonçant une mesure « punitive » indigne des relations franco-marocaines. « Apparemment, ni le président Emmanuel Macron ni son ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, n’ont conscience de la détérioration des relations entre la France et le Maroc », relève le Prix Goncourt, en se faisant l’écho des réactions, -« d’une violence inouïe »-, suscitées dans les populations par le tour de vis opéré par les autorités consulaires françaises.
Ces dernières ont invoqué un prétexte fallacieux pour justifier ce resserrement de boulons, soit un prétendu « refus du Maroc de reprendre ses ressortissants en situation illégale ». « D’après ce que m’a affirmé M. Chakib Benmoussa, alors ambassadeur du Maroc en France, « le Maroc n’a jamais refusé de rapatrier ses clandestins, mais la police française lui envoie souvent des personnes algériennes ou tunisiennes dont il ne peut pas s’occuper », rapporte TBJ.
Ce « refus » présumé devrait-il pour autant servir de prétexte à une « punition collective » de Marocains dont le « délit », paraît-il, est d’avoir tant aimé cette France… de plus en plus lointaine?
« Celui qui n’a qu’une porte que Dieu la lui ferme au nez! », disent à juste titre les Marocains.
Paris-Rabat: le courant ne passe pas
« Mais au-delà de ces tracasseries administratives, on peut dire que le courant ne passe pas entre les deux chefs d’État », estime TBJ, soulignant que « le Maroc a été habitué à des relations privilégiées ».
Or voilà, « Macron n’a pas de sensibilité maghrébine », observe l’auteur, qui pointe toutefois une « obsession algérienne » du président français. « Il pense qu’il parviendra à assainir les relations franco-algériennes. Nous lui souhaitons bonne chance », écrit-t-il avec une pointe d’ironie.
« L’Algérie des militaires, qui tient à ce qu’il a lui-même appelé « la rente mémorielle », ne lui donnera rien. Elle maintiendra le système de la culpabilisation jusqu’au bout. S’il fait ce voyage, c’est qu’il n’a pas compris le mécanisme d’un système qui ne fait aucune concession », a averti l’écrivain, en référence à la visite que le chef de l’Élysée se préparer à effectuer le 25 août à Alger.
« Le Maroc souhaite que ses relations avec l’Algérie s’apaisent. Le roi Mohammed VI l’a encore rappelé dans son discours du trône, le 30 juillet dernier. Cela ne le dérange nullement si Macron se rend en Algérie. Mais cela ne devrait pas entrer dans un calcul mesquin », fait-t-il savoir.
« Le Maroc n’est plus focalisé sur la France. C’est un fait constaté dans plusieurs domaines. Il a commencé à diversifier ses amitiés et ses relations politiques et stratégiques. En signant les accords d’Abraham, en réussissant à faire changer de position à l’égard du Sahara le voisin espagnol, il s’éloigne de la France dont le soutien reste très mesuré, de peur de fâcher l’Algérie qui maintient un conflit artificiel armé au Sahara », fait remarquer l’écrivain.
Dans le 69ème discours de la Révolution du Roi et du Peuple, prononcé samedi 20 août dernier, Mohammed VI a en tout cas fixé le cap: « Le dossier du Sahara est le prisme à travers lequel le Maroc considère son environnement international, et l’aune qui mesure la sincérité des amitiés et l’efficacité des partenariats que le Royaume établit ».
La balle est dans le camp de la France.