
Par Mohamed KHOUKHCHANI

Les relations entre la France et le Maroc sont parmi les plus anciennes et les plus riches que deux États puissent entretenir de part et d’autre de la Méditerranée. Elles ont connu des épisodes d’éclat diplomatique, des périodes de tension, mais elles se sont toujours reconstruites sur une base solide de respect et d’amitié mutuelle.
Le vote de la France en faveur de la résolution 2797 du Conseil de sécurité des Nations unies, le 31 octobre 2025, qui réaffirme la pertinence et la prééminence du plan marocain d’autonomie pour le Sahara, apparaît aujourd’hui comme le prolongement naturel d’une relation historique séculaire.
Des racines profondes : Louis XIII et Moulay Zidan, premiers échanges officiels
Les premiers liens entre les deux royaumes remontent au début du XVIIᵉ siècle. Sous le règne de Louis XIII et du sultan Moulay Zidan ben Ahmed, le Maroc et la France engagent des échanges diplomatiques et commerciaux fondés sur la reconnaissance réciproque.
Dans un contexte méditerranéen instable, marqué par la piraterie et la concurrence des puissances européennes, ces premiers contacts traduisent déjà la volonté des deux États de dialoguer d’égal à égal, chose rare à l’époque entre une puissance chrétienne et un empire musulman.
Louis XIV et Moulay Ismaïl : la diplomatie des souverains
Sous Louis XIV et Moulay Ismaïl, les relations entre les deux monarchies atteignent un sommet diplomatique inédit.
À partir de 1682, des ambassades sont échangées entre Versailles et Meknès. Le sultan envoie son émissaire Abdallah ben Aïcha auprès du Roi-Soleil pour négocier la paix maritime et la libération de captifs musulmans, tandis que Louis XIV dépêche des représentants pour consolider les échanges commerciaux et garantir la sécurité des navires français.
L’accueil fastueux réservé aux délégations marocaines à Versailles, notamment lors de l’ambassade de Mohammed Temim en 1699, illustre le respect mutuel et la reconnaissance réciproque de deux monarchies fortes et indépendantes.
Au-delà des différences religieuses, les deux souverains partageaient une vision commune du pouvoir, fondée sur la légitimité, la stabilité et la grandeur de l’État.
Ces relations, marquées par la diplomatie, la négociation et le réalisme politique, ont posé les bases d’un dialogue durable entre Rabat et Paris, bâti sur l’équilibre et la dignité, loin de tout rapport de domination.

Du XIXᵉ siècle au protectorat : entre tensions et continuité
Le XIXᵉ siècle voit la montée des ambitions coloniales européennes. Après plusieurs accords, dont le traité de Lalla Maghnia (1845) fixant la frontière algéro-marocaine, la France finit par imposer le protectorat de 1912 par le traité de Fès.
Si cette période fut douloureuse pour la souveraineté marocaine, elle permit aussi la mise en place d’une infrastructure moderne, de réformes administratives et d’un maillage humain et culturel durable entre les deux sociétés.
Le Maroc ne fut jamais annexé, et la monarchie chérifienne resta le symbole vivant de la continuité de l’État, ce qui facilita plus tard une transition pacifique vers l’indépendance.
La Seconde Guerre mondiale : le Maroc, allié de la liberté française
Le tournant majeur dans la fraternité maroco-française survient durant la Seconde Guerre mondiale.
Sous le règne de Sa Majesté Mohammed V, le Maroc devient un allié essentiel de la France libre. Des dizaines de milliers de soldats marocains se battent en Europe pour la libération de la France du nazisme et du régime pétainiste.
De Monte Cassino à Marseille, de la Provence à l’Alsace, les tirailleurs marocains ont versé leur sang pour la liberté d’un pays ami. Leur courage et leur loyauté ont marqué à jamais la mémoire française.
La libération de la France doit, pour une part, à ces hommes venus du Maroc, qui ont incarné la fraternité dans le combat contre la barbarie.

1956 : l’indépendance et une coopération fondée sur la confiance
En 1956, le Maroc recouvre son indépendance grâce à la clairvoyance de Sa Majesté Mohammed V, tout en choisissant de maintenir une relation d’amitié et de coopération avec la France.
Paris reconnaît rapidement le nouveau Royaume indépendant et instaure une relation d’État à État fondée sur le dialogue et le respect mutuel.
Sous Hassan II, cette coopération se consolide autour d’intérêts communs : économie, défense, francophonie et culture. La France devient le premier partenaire économique et culturel du Maroc, un rôle qu’elle continue d’assumer aujourd’hui.

Sous Mohammed VI : un partenariat stratégique et modernisé
Avec l’accession au trône de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, les relations bilatérales s’inscrivent dans une dynamique nouvelle. La coopération touche désormais à des domaines aussi variés que la lutte contre le terrorisme, la transition énergétique, l’enseignement supérieur, la migration et le développement durable. Malgré quelques moments de crispation politique, le dialogue n’a jamais été rompu. Les deux capitales, Rabat et Paris, partagent une vision commune : celle d’un partenariat fondé sur la stabilité, la modernité et la solidarité.

2025 : la résolution 2797, symbole d’une fidélité historique
Le 31 octobre 2025, la France vote en faveur de la résolution 2797 du Conseil de sécurité, réaffirmant le sérieux et la crédibilité du plan d’autonomie marocain pour le Sahara.
Ce vote marque un tournant majeur dans les relations franco-marocaines. Il traduit la reconnaissance, par la France, de la constance du Maroc, de son engagement en faveur de la paix, et de son rôle central dans la stabilité régionale.
Au-delà du geste politique, c’est un acte de fidélité historique : la France rejoint la position de nombreux États alliés en reconnaissant la souveraineté marocaine sur son Sahara — une cause nationale défendue avec constance par le Royaume depuis des décennies.

Une amitié enracinée dans l’histoire et tournée vers l’avenir

Du temps de Louis XIII et Moulay Zidan, à celui de Louis XIV et Moulay Ismaïl, en passant par les champs de bataille où les tirailleurs marocains libérèrent la France, jusqu’au vote de 2025, l’histoire franco-marocaine est celle d’un partenariat tissé dans la durée, fondé sur le respect, la solidarité et la reconnaissance mutuelle.
Le geste diplomatique de 2025 n’est pas un simple épisode contemporain, mais l’aboutissement de quatre siècles de confiance et d’amitié.
Une amitié que l’avenir, à la croisée de l’Europe et de l’Afrique, ne peut que renforcer.





