L’Algérie est à bien des égards un pays au bord de la banqueroute. Car, en plus d’une crise politique latente qui n’a que trop perduré et dont l’issue est connue de tout un chacun, ce pays maghrébin se doit de faire face à une crise économique qui se ressent de plus en plus dans tous les secteurs.
Et pour cause, l’économie algérienne est toujours dépendante à hauteur de 98 % des recettes en hydrocarbures qui, au fil des années, se sont amenuisées comme une peau de chagrin non seulement à cause de la chute des cours mondiaux du pétrole, mais surtout de la politique dépensière à outrance pour acheter une paix sociale qui, peut-être, n’arrivera jamais.
Il va sans dire qu’hormis les déclarations rassurantes des tenants du pouvoir, la réalité est loin d’être reluisante à cause d’un niveau de récession jamais atteint depuis l’indépendance du pays en 1962.
L’Algérie a vu ainsi son déficit commercial se creuser et son déficit budgétaire encore plus, à cause de la chute des prix du pétrole due au ralentissement de l’économie mondiale depuis le début de la pandémie du coronavirus.
Chiffres à l’appui, le déficit commercial de ce pays de 44 millions d’âmes semble se situer autour de 7 milliards de dollars d’ici la fin de l’année, alors que le déficit budgétaire s’avère plus lourd que prévu avec une augmentation en 2021 à 17,6 % du Produit Intérieur Brut (PIB) du pays en raison de la chute drastique des recettes et l’augmentation des dépenses budgétaires pour la période 2021-2023.
Selon les économistes, les indicateurs de l’économie algérienne passeront au rouge durant les prochaines années au moment où le projet de loi de finances 2021 peine à retrouver les équilibres qu’il faut.
Une preuve et pas des moindres : la monnaie locale, le dinar algérien, va connaître au cours des prochaines années une importante dévaluation face aux devises étrangères avec une valeur qui va passer à 142,20 DA/USD en 2021, 149,31 DA/USD en 2022 et 156,78 DA/USD en 2023.
Pour de nombreux analystes, ces dévaluations semblent avoir été imposées uniquement pour que l’Etat algérien puisse payer ses fonctionnaires, acheter la paix sociale et maintenir son train de vie.
C’est face à ces incertitudes multiples qui font planer le doute sur la reprise de l’activité à cause de la pandémie de coronavirus, que plusieurs organisations patronales ont laissé apparaître le désarroi dans lequel se trouvent les entreprises algériennes, notamment celles du secteur privé.
Le patronat algérien semble être en crise existentielle, expliquent la Confédération algérienne du patronat citoyen (CAPC), la Confédération Nationale du Patronat Algérien (CNPA), la Confédération des Industriels et des Producteurs Algériens (CIPA) et l’Association Générale des Entrepreneurs Algériens (AGEA). Il s’est montré « déboussolé » et « complètement désarçonné » par tant d’incertitudes politico-économiques, notamment à cause de la crise sanitaire.
Lors d’une récente conférence de presse, les présidents de ces organisations ont réclamé une oreille attentive de la part des autorités, voire de la considération tout simplement.
« La manne pétrolière n’a pas profité à la relance économique », ont-ils dénoncé, déplorant « des blocages bureaucratiques » et mettant en garde contre le risque de « perdre des pans entiers de l’économie » d’un pays dont les changes en devises sont passés de 180 milliards de dollars à fin 2014 à 43,8 milliards en 2020 avant de se situer à 23,8 milliards en 2021.
Selon eux, « la situation économique du pays est loin d’être rassurante. Le projet de lois de finances 2021 le dit amplement quant à l’état de nos finances publiques » avec une un déficit qui a atteint des seuils astronomiques à cause de la baisse drastique de la fiscalité pétrolière qui constituait jusqu’à un passé récent 80% du budget de l’Etat et la stagnation de la fiscalité pétrolière qui devrait représenter aujourd’hui moins de 35% du budget de l’Etat qui tourne autour de 8.000 milliards de dinars (environ 62 milliards de dollars).
De l’avis de plusieurs économistes comme Smain Lalmas, président d’Algérie conseil export (ACE), pour faire face à cette conjoncture, il n’est pas exclu de voir l’Algérie recourir au Fonds Monétaire International (FMI) en 2021 d’autant plus qu’il existe un décalage entre le plan de relance économique et la situation financière du pays, dont le solde global de la balance des paiements « fera apparaître un déficit d’environ 20 milliards de dollars annuellement ».
En plus de la crise économique et sanitaire d’une ampleur historique sans précédent, l’Algérie se trouve en pleine crise politique depuis notamment le début 2019, une situation qui complique sérieusement les recettes de sortie de crise, explique l’expert.
Il plaide à cet égard pour un nouveau modèle économique basé sur la diversification de l’offre accompagnée d’une stratégie agressive d’exportation hors hydrocarbures, pour sortir de ce schéma rentier de l’économie, ainsi que sur une plus grande transparence dans la gestion des finances publiques.
Ceci est d’autant plus vrai que l’Algérie a connu une série de scandales dans tous les secteurs et que les nouvelles réalités financières ne permettent plus de maintenir le niveau élevé de dépenses publiques qui iront crescendo pour passer d’environ 57 milliards de dollars dans la LF 2020, à 63 milliards de dollars en 2021, 66,7 milliards de dollars en 2022, puis à 67,3 mds de dollars en 2023.
C’est dire que ces chiffres donnent le vertige même aux économistes les plus aguerris du monde, tellement ils révèlent la réalité d’une Algérie au bord du gouffre où le front social est en ébullition et où l’avenir demeure encore incertain.