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L’équilibre maghrébin : une urgence géopolitique et sociale

Par Mohamed KHOUKHCHANI

Par: Mohamed KHOUKHCHANI

L’espace maghrébin, riche de son histoire et de sa culture commune, demeure aujourd’hui l’une des régions les plus fragmentées du monde arabe. Entre le Maroc et l’Algérie, deux puissances voisines aux trajectoires contrastées, la quête d’un équilibre politique, économique et diplomatique apparaît comme une urgence stratégique. Dans un contexte international marqué par de nouvelles alliances et la montée des enjeux énergétiques et sécuritaires, la consolidation d’un Maghreb stable et intégré représente non seulement un défi régional, mais aussi une nécessité géopolitique et sociale.

1. Héritages historiques et fractures persistantes

Depuis l’indépendance de l’Algérie en 1962, les relations entre Rabat et Alger sont restées empreintes de méfiance. Le différend autour du Sahara marocain, né en 1975 à la suite de la Marche verte, a cristallisé les tensions et conduit à la fermeture des frontières terrestres en 1994. Ces divergences ont paralysé l’Union du Maghreb Arabe (UMA), créée en 1989, dont les institutions demeurent symboliques.

Pourtant, l’histoire démontre que les destins des peuples maghrébins sont intimement liés : sur les plans linguistique, culturel et économique, les complémentarités sont évidentes. Selon la Banque mondiale, une intégration régionale effective permettrait d’augmenter le PIB de chaque pays maghrébin de 2 à 3 points de croissance annuelle (1).

2. Le Maroc, trajectoire ascendante d’un modèle de stabilité

Malgré les tentatives répétées de déstabilisation, le Maroc s’est imposé comme un pôle régional de stabilité et de croissance. Sous l’impulsion du Roi Mohammed VI, le pays a lancé depuis deux décennies une série de réformes structurelles : développement d’infrastructures majeures (TGV, ports Tanger Med, Nador West Med) ; investissements massifs dans les énergies renouvelables (centrale Noor à Ouarzazate) ; montée en puissance du secteur industriel (automobile, aéronautique, pharmaceutique).

En 2024, le Maroc a enregistré un taux de croissance de 3,4 %, et ses exportations automobiles ont dépassé 14 milliards d’euros (2). Par ailleurs, la reconnaissance croissante de la marocanité du Sahara par de nombreux pays (États-Unis, Espagne, Israël, Kenya, etc.) renforce la position diplomatique du Royaume (3).

3. L’Algérie face à ses paradoxes internes

L’Algérie, riche en ressources naturelles, notamment gazières, continue de dépendre fortement de la rente énergétique. Si la hausse des prix du gaz a amélioré ses revenus depuis 2022, les défis internes demeurent : chômage des jeunes supérieur à 26 %, inégalités régionales persistantes et déficit d’attractivité pour les investissements étrangers (4). La politique étrangère d’Alger, marquée par une posture de confrontation vis-à-vis du Maroc, accentue son isolement diplomatique, alors que la région aurait besoin de convergence pour faire face aux défis climatiques et migratoires.

4. L’urgence sociale et démocratique au Maroc

Si le Maroc affiche une dynamique économique enviable, les inégalités territoriales et sociales demeurent profondes. Le pays fait face à un taux de chômage de 11,8 %, touchant particulièrement les jeunes diplômés. Pour consolider ses acquis, le Royaume doit approfondir les réformes sociales : généralisation de la protection sociale, réforme de la justice, amélioration du système éducatif et renforcement de la démocratie participative. La réussite économique doit désormais se traduire en cohésion sociale et égalité des chances, afin d’éviter le creusement d’un Maroc à deux vitesses.

5. Perspectives 2030 : pour une refondation maghrébine

Un véritable équilibre maghrébin suppose la réouverture du dialogue entre Rabat et Alger, sous médiation régionale ou africaine. Les axes de coopération possibles sont nombreux : énergie verte et interconnexions électriques (Maroc–Algérie–Tunisie) ; sécurité alimentaire et agriculture durable ; mobilité étudiante et reconnaissance mutuelle des diplômes ; marché commun maghrébin, dynamisant les échanges intra-régionaux actuellement inférieurs à 4 % du commerce global (5).

Une telle intégration serait bénéfique à tous et renforcerait la souveraineté collective du Maghreb face aux pressions extérieures.

L’équilibre maghrébin n’est pas un simple idéal politique : il s’agit d’une nécessité historique et sociale. Le Maroc, fort de ses avancées diplomatiques et économiques, doit consolider son modèle par la justice sociale et la démocratie. L’Algérie, de son côté, gagnerait à réorienter sa diplomatie vers la coopération plutôt que la confrontation. Un Maghreb uni, ancré dans ses racines et ouvert sur le monde, demeure la seule voie capable d’assurer une stabilité durable et une prospérité partagée.

(1) Banque mondiale, Regional Integration in the Maghreb, 2023.
(2) HCP Maroc, Note de conjoncture économique 2024.
(3) Ministère marocain des Affaires étrangères, Communiqués diplomatiques 2023–2024.
(4) FMI, Rapport sur les perspectives économiques régionales, avril 2024.
(5) Banque africaine de développement, Rapport sur le commerce intra-africain, 2023. 

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