En juin 2003, je reprends mon «Odyssée de paix» là où je l’ai finie en 2001. Dans le nord du Royaume. Après Nador, c’est au tour de Tanger d’être le point de départ de la nouvelle aventure. Rien à dire sur le choix de la ville du Détroit, «la Mariée du Nord» a tous les atouts pour charmer: un port équipé, une belle corniche, des hôtels, des restaurants et des cafés branchés, des sites naturels merveilleux (Cap Spartel, Malabata, Grotte d’Hercule, etc), une histoire digne des cités immémoriales et, last ot least, cette hospitalité chevillée corps et âme aux Marocains …
L’escale tangéroise est porteuse de promesses…
Les promesses n’engagent que ceux qui y croient, voudrais-je plutôt écrire.
A quelques jours de l’arrivée du destroyer, nous voilà le dos au mur! Le ministère de la Culture refuse de nous accorder toute aide pour l’accueil du navire. Pas d’hébergement, pas de restauration, pas de fuel pour le bâtiment de guerre …
La quadrature du cercle!
Ahmed Massaïa est au bord de la crise. Que faut-il faire ? Dire aux pacifistes qu’ils sont « non grata » au Maroc ? N’avons-nous toutefois pas les moyens ? Ne risquons-nous pas de servir la soupe à une certaine presse étrangère pour desservir l’image de notre pays ? Les décideurs n’ont-ils pas saisi l’enjeu de l’événement ?…
Il faut juste savoir taper aux bonnes portes. Et pour notre plus grand bonheur, la première à laquelle nous avons tapé a été ouverte. Sollicité par votre modeste serviteur, le Conseiller du Roi, M. André Azoulay, a bien voulu donner satisfaction à notre demande…
«C’est un combat commun», a assuré le Conseiller royal, en s’engageant personnellement à résoudre le problème, et dans les plus brefs délais.
Du coup, toutes les issues se débloquent. Le ministère de l’Energie et des Mines fait don de 12 tonnes de fuel. Le ministère de l’Intérieur mobilise les autorités de la Wilaya de Tanger … Les élus, eux, ne lésineront sur aucun moyen pour donner à l’événement sa véritable dimension.
Que faut-il demander de plus ?
Le navire de guerre fait son entrée en grande pompe au port de Tanger. Mais sans l’artiste et néanmoins ami Abdelmajid Bekkas, qui a dû arrêter son périple en Roumanie pour rentrer à bord d’un avion.
Calendrier estival oblige!
Ce virtuose du hajhouj, illustre maâlam gnaoui, est partout sollicité. Il ne débarque du «Constanta» qu’après avoir envoûté tout l’équipage.
Les pacifistes affirment en avoir gardé des souvenirs indélébiles, et se mettent à regretter son absence à Tanger…
D’autres maâlems tenteront de compenser son absence, en nous gratifiant d’une mémorable «Lila» (soirée de transe) qui fait chalouper… le port entier. Une nuit qui a resplendi de feux d’artifice et où la communion entre pacifistes et Tangérois a été totale.
Retour à l’hôtel «Al Manzah», dont les balcons donnent sur la magnifique corniche éclairée de la ville. Moi et mon fidèle compagnon de route, l’Espagnol Emilio Garrido, restions ensemble comme à l’accoutumé. Antonnella Gerratana, une amie italienne chargée des affaires de logistique, était notre complice. Elle savait que moi et Emilio étions amis. Ne sommes-nous pas des voisins, après tout ? N’avons-nous pas cette communauté d’histoire et de destin ?…
Originaire de Valence, sud d’Espagne, Emilio affirmait avoir du sang arabe dans les veines. Le rayonnant passé andalous de l’Espagne m’inspirait de la fierté. Notre présence à Tanger, où cohabitent Marocains et Espagnols, donne à notre amitié son plein contenu.
Emilio se sentait chez lui… Ensemble, nous redécouvrons cette ville des Mille et une nuits. Son centenaire théâtre Cervantes, son majestueux espace de la corrida, ses ruelles vertigineuses, le café où l’auteur du «Pain nu» Mohamed Choukri, Paul Bowles (Thé au Sahara), sirotaient leur thé à la menthe … La vue imprenable à partir du Café «Al Hafa» (La Falaise), d’où l’on peut admirer la beauté irrésistible de la Méditerranée.
Les pacifistes sont restés sur une belle impression de Tanger. «Une ville à découvrir et à redécouvrir absolument», soupire Antonella, venue alors annoncer le moment du départ de Tanger.
Direction: Mostaganem…