Durcissement du contrôle de l’immigration étudiante, conditionnement de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) à cinq ans de présence sur le territoire français pour les étrangers sans travail, et deux ans et demi pour ceux qui ont un emploi, restriction de l’accès au titre de séjour « étranger malade », durcissement des conditions du regroupement familial… Décidément, le texte de loi immigration voté hier au Sénat et à l’Assemblée nationale français va pourrir la vie des étrangers et particulièrement les Marocains, deuxième population immigrée la plus importante, après celle de l’Algérie. Round-up.
Des prestations sociales selon la durée de résidence
Si les tractations finales ont failli échouer, c’est en grande partie parce que les élus se sont divisés sur la durée de résidence minimale en France pour que les étrangers non européens en situation régulière puissent toucher des prestations sociales. La droite voulait en effet instaurer un minimum de cinq ans pour ouvrir le droit aux allocations familiales, aux aides au logement (APL) ou encore à la prestation de compensation du handicap (PCH).
Le compromis scellé mardi est notamment basé sur une distinction entre les étrangers non communautaires selon qu’ils sont ou non « en situation d’emploi ». Pour les allocations familiales, le droit opposable au logement ou encore l’allocation personnalisée d’autonomie, un délai de cinq ans est ainsi prévu pour ceux qui ne travaillent pas. Il est de trente mois pour ceux qui sont en situation d’emploi.
Pour l’accès aux APL, qui a été le principal point d’achoppement, une condition de résidence est fixée à cinq ans pour ceux qui ne travaillent pas et à trois mois pour les autres. Les nouvelles restrictions ne s’appliquent pas aux étudiants étrangers. Sont par ailleurs exclus de toutes ces mesures les réfugiés ou encore les titulaires d’une carte de résident.
Régularisation des travailleurs sans papiers
Le dispositif de régularisation des travailleurs sans-papiers dans les métiers en tension s’avère également plus restrictif que celui initialement prévu par le gouvernement. Concrètement, l’article adopté est proche de la version durcie du Sénat : il donne notamment aux préfets un pouvoir discrétionnaire de régularisation des demandeurs dans des secteurs ayant des difficultés de recrutement.
Il s’agira d’un titre de séjour d’un an, délivrable « à titre exceptionnel », à condition d’avoir résidé en France pendant au moins trois ans et exercé une activité salariée dans les secteurs concernés durant au moins 12 mois sur les 24 derniers. La mesure ne s’appliquera que jusqu’à fin 2026. « L’étranger ne peut se voir délivrer la carte de séjour temporaire (…) s’il a fait l’objet d’une condamnation, d’une incapacité ou d’une déchéance » inscrite au casier judiciaire, précise le texte adopté. Le camp présidentiel n’a eu gain de cause que sur un point : une clarification de la possibilité pour un travailleur sans-papiers de demander ce titre de séjour sans l’aval de son employeur.
Aide médicale d’Etat
La suppression de l’Aide médicale d’Etat (AME) pour les sans-papiers était l’un des principaux chevaux de bataille de la droite. Mais les LR ont accepté d’y renoncer dans ce texte, moyennant la promesse d’une réforme du dispositif début 2024. Le texte de la CMP comprend en revanche une restriction de l’accès au titre de séjour « étranger malade« . Sauf exception, il ne pourra être accordé que s’il n’y a pas de « traitement approprié » dans le pays d’origine. Une prise en charge par l’assurance maladie sera par ailleurs exclue si le demandeur a des ressources jugées suffisantes.
Quotas migratoires
L’instauration de « quotas » fixés par le Parlement pour plafonner « pour les trois années à venir » le nombre d’étrangers admis sur le territoire (hors demandeurs d’asile) est considérée comme inconstitutionnelle par le camp présidentiel. Mais ce dernier a quand même accepté d’intégrer cette mesure, ainsi que la tenue d’un débat annuel sur l’immigration au Parlement, dans le texte de la CMP. Le Conseil constitutionnel pourrait se charger de la retoquer.
Déchéance de nationalité et droit du sol
La majorité présidentielle a également fini par donner son accord à la déchéance de nationalité pour les binationaux condamnés pour homicide volontaire contre toute personne dépositaire de l’autorité publique.
Concernant le droit du sol, elle a concédé la fin de l’automaticité de l’obtention de la nationalité française à la majorité pour les personnes nées en France de parents étrangers : il faudra désormais que l’étranger en fasse la demande entre ses 16 et 18 ans. Autre restriction obtenue par la droite : en cas de condamnation pour crimes, toute naturalisation d’une personne étrangère née en France deviendrait impossible.
Délit de séjour irrégulier
Le rétablissement du « délit de séjour irrégulier » était qualifié d’inutile par le camp présidentiel. Mais la mesure, assortie d’une peine d’amende sans emprisonnement, a été retenue.
Centres de rétention administratifs
Malgré les réticences de la droite, l’interdiction de placer des étrangers mineurs en rétention figure dans le compromis final.
Regroupement familial
Le durcissement des conditions du regroupement familial voté par le Sénat se retrouve pour l’essentiel dans le texte final, avec notamment une durée de séjour du demandeur portée à 24 mois (contre 18), la nécessité de ressources « stables, régulières et suffisantes » et de disposer d’une assurance maladie, ainsi qu’un âge minimal du conjoint de 21 ans (et plus 18).
Une caution pour les étudiants
La droite a obtenu l’instauration, sauf dans certains cas particuliers, d’une caution à déposer par les étrangers demandant un titre de séjour « étudiant », visant à couvrir le coût d’éventuels « frais d’éloignement ». Les macronistes avaient pourtant combattu cette mesure constituant à leurs yeux « une rupture d’égalité » entre étudiants et risquant de fragiliser les étudiants internationaux.