Lecollimateur.ma reprend la publication des récits d’évasions de prisonniers de guerre marocains du goulag de Tindouf, extraits du livre: « 25 ans dans les geôles de Tindouf: mes mémoires d’un prisonnier de guerre » de M. Ali Najab, ex-pilote de chasse. Aujourd’hui, le cas d’un brave soldat malchanceux: Abdelaziz Brioul.
Ce brave soldat est l’aîné d’une famille de sept enfants. Un amazigh pur et dur de la ville d’Azrou. Il avait déjà pris part à deux tentatives d’évasion. Malheureusement, dans les deux cas, la chance ne lui avait jamais souri. Dans la première tentative, il fut éloigné du centre dit poste six d’où étaient partis ses camarades alors qu’il avait tout préparé avec eux. (voir l’évasion de Jerjoub).
La deuxième tentative fut organisée en 1992 avec un groupe de huit prisonniers (voir l’évasion de Salim Moha)
La troisième tentative plus dramatique fut organisée en juin 1998 avec deux de ses camarades: Kabba Hamid et Ouchabou Hammou.
Kabba travaillait comme mécanicien dans un garage à l’école dite 9 juin. Ouchabou comme cuisinier à l’école même. Brioul, lui, travaillait comme mécanicien à la base arrière de l’une des régions militaires située à une quinzaine de kilomètres de l’école. Brioul raconte:
« En 1998, je surpris un jour un des gardiens en train de voler des munitions légères qu’il revendait à des passeurs vers le Mali et la Mauritanie. Dans un premier temps je le sommai de partager le butin. Il s’exécuta sans discussion. Ensuite, je lui proposai de nous emmener moi et mes deux camarades jusqu’au mur de défense marocain. Après un moment de réflexion, il accepta le principe. Mais il exigea de nous de lui procurer un véhicule. Il avait l’habitude de se rendre à l’école. Je lui avais demandé de m’emmener avec lui. J’avais donc pu au cours de cette visite, contacter mes camarades Kabba et Ouchabou. Ils m’avouèrent qu’eux aussi s’apprêtaient à s’évader. Ils m’avouèrent pouvoir disposer d’une somme d’argent de 26.000 dinars algériens qu’un responsable polisarien leur avait laissée croyant qu’elle serait en sécurité chez un prisonnier qu’ailleurs.
Nous proposâmes à notre « ami » sahraoui de lui acheter une land rover qu’il garderait dès que nous serions arrivés au mur. Il accepta. Mais au lieu de nous accompagner lui-même, il nous confia à son frère et à son cousin.
Nous quittâmes l’école du 9 juin à midi où tout le monde était occupé par la distribution des repas aux élèves. Vers 17 heures nous vîmes un poste plein de soldats. Les sahraouis qui nous accompagnaient étaient sûrs que c’était le mur de défense. Personnellement j’ y mis un doute. Ils nous déposèrent et rebroussèrent chemin vers l’école. Je suggérai à mes deux camarades d’attendre d’être sûr qu’il ne s’agissait pas d’un poste algérien. Tout à coup un land rover fonça sur nous… ce poste était bel et bien algérien. Nous fumes ligotés et mis dans une chambre pleine de produits antiacridiens. Le lendemain matin, un capitaine de l’armée algérienne arriva avec des soldats armés de kalachnikovs baïonnette au canon.. Tout une armada pour trois prisonniers de guerre !! On nous ramena à la caserne de Tindouf où nous fumes immédiatement remis à la gendarmerie. Nous subîmes un interrogatoire musclé durant trois jours. Dès qu’ils nous sortaient de l’enceinte de l’interrogatoire, nous étions immédiatement ligotés de nouveau et mis dans des cellules individuelles. Au bout de trois jours, nous fumes remis aux services de sécurité du polisario ».
Les sévices que subirent par la suite ces trois prisonniers suite à cette évasion manquée avaient débouché sur un drame (voir chapitre des décès de prisonniers marocains sous la torture: cas de Kabba Hamid et Ouchabou Hammou). Brioul Abdelaziz, quant à lui, sera torturé lui aussi et sauvé in extrémis d’une mort certaine.
Je suis allé à sa rencontre pour lui demander la précision suivante: Comment se fait-il qu’ils étaient toujours en territoire algérien alors qu’ils avaient roulé de midi à 17 heures (5 heures). A 50 km/h ils avaient déjà parcouru 250 km.Or le mur est à 120 km de Tindouf !! Il m’avoua que les sahraouis avaient fait tout un détour pour soi-disant éviter les ceintures algériennes.
Nous apprîmes par la suite que les trois sahraouis furent condamnés à 7 ans de prison dont 3 en cellule.