« Ça tourne ».
Cette formule prononcée par le réalisateur. Annonçant ainsi, le commencement de la création d’un moment exceptionnel où le silence doit planer sur la tête de cette équipe de tournage. Laisser la machine tourner et capter l’image mobile de ces acteurs en plein action. Ces derniers savent pertinemment que leur existence en ce moment est mémorisée dans la boîte. C’est toute la magie du cinéma, cet univers qui réinvente une autre existence. Ce qui donne lieu à une seconde vie limitée dans le temps mais habitée par un imaginaire intemporel.
« Ça tourne ».
Cette expression qui nous vient du monde du cinéma, nous invite à reconsidérer le mouvement dans sa dimension temporelle. Ce n’est pas par pur hasard que Gilles Deleuze a consacré deux livres où il était question du mouvement et du temps dans le cinéma: « L’image mouvement« , Editions de Minuit, collection: Critique, octobre 1983 et « L’image temps », Editions de Minuit, collection : Critique, novembre 1985.
L’évocation de ces deux livres n’émane pas d’un désir d’aborder l’approche de Gilles Deleuze pour ces deux notions qui par leur différence, ils ont un point commun: l’action. Cette dernière a pris la place de l’expression « ça tourne » au sein des tournage des films. Elle va devenir à une certaine époque le synonyme du cinéma.
« Action » est le mot fatal prononcé par le réalisateur. Un mot magique qui fait scinder le monde en deux parties. Les spectateurs sont déjà là au moment du tournage. Ils représentent cette armée de l’ombre qui gravite autour du réalisateur tout en regardant avec inquiétude la genèse d’une scène ou d’un moment de cinéma à projeter dans l’avenir sur les écrans du cinéma devant un public prêt à oublier qu’autour de ces scènes, il y avait un regard fiévreux d’un réalisateur et d’une équipe attentive et muette marchant à pas de velours pour ne pas brusquer ce moment quasi sacré du tournage.
« Action », c’est arrêter le temps réel pour faire entrer en scène le temps de la fiction. Oublier qu’on a une vie qui nous a spolié le temps de l’émerveillement. Celle qui nous a troqué notre enfance contre ce malheureux bonhomme adulte et triste.
« Action » c’est comme le premier mot prononcé pour engendrer un nouveau monde plein de lumières et de rêves. Le mouvement s’arrête d’être en dehors de nous pour prendre sa place à l’intérieur de nous. Il nous fait voyager alors que notre corps est figé dans un coin obscur.
« Ça tourne » est une action pour vivre autrement: c’est du cinéma.