Il y a un phénomène de youTubeurs au Maroc qui devient de plus en plus problématique et qui interpelle notre réflexion autour de l’émergence d’un front de la bêtise. Est-ce qu’il est de notre devoir d’en parler sans tomber dans la publicité gratuite qui ne peut qu’attiser la curiosité et nous forcer à participer à un débat stérile? Faut-il marquer en rouge la médiocrité comme qualité suprême de cette déferlante relative à ces capsules vidéo qui séduiront des milliers de spectateurs?
Les ingrédients d’un plat qui se digère facilement, sont là pour attirer l’attention d’un public laissé-pour-compte.
Comment expliquer l’installation dans notre paysage numérique d’une telle offre ? Les chiffres sont probants et nous renseignent sur une audience à ne pas négliger. La situation est tellement absurde mais elle incarne une autre façon de gagner de l’argent facile et produire une autre culture du temps perdu. Cette culture qui fait miroiter que l’accès à la parole est facile et que la production des vidéos est à la portée de tout le monde. Ainsi vous pouvez donner votre avis sur les sujets d’actualité et du jour au lendemain vous passez du statut de citoyen lambda au statut d’expert. Et pourquoi pas puisque vous jouissez d’une audience qui vous le fait croire.
Le chaos actuel dans les idées et dans les propos est le fruit de cette atmosphère où la légitimité n’a plus son mot à dire. L’absence de l’arbitrage a fait que nous sommes amenés à nous immuniser contre ce fléau surtout quand il s’agit de préserver nos jeunes, une proie facile qui peut succomber à l’appel des sirènes de la médiocrité. Car ces agitateurs sont détenteurs d’un faux message relatif à la réussite et au sens propre du travail. Ce dernier n’est pas appréhendé comme un aboutissement et le résultat de plusieurs années d’études et d’affrontement avec le monde du travail. Mais ce dernier est considéré comme un show présenté dans un monde du spectacle virtuel avec des spectateurs virtuels.
C’est vrai que la Silicon Valley a donné l’accès libre à toutes les plateformes Facebook, Instagram, YouTube… pour naviguer et créer des avatars qui sont plus actifs et présents que des personnes réelles. Ce qui a engendré un autre concept du temps et du travail où la production de l’image est monnayée. Il est très difficile d’imaginer une solution radicale visant à déclasser et à déboulonner ces stars de la bêtise sur l’échelle de la tendance.
Le monde de la culture et des arts est bien menacé par ces tendances qui ne font que ralentir la mécanique d’un travail visant l’éveil de nos jeunes et l’esprit d’ouverture et de critique à encourager dans la vie réelle.