La mort de l’intellectuel

Quelle est la place de l’intellectuel aujourd’hui ? Une épineuse et gênante question.

Qui peut aujourd’hui oser dire que l’intellectuel peut changer le destin du monde et porter sur son dos la marque déposée de l’engagement, de manifester dans la rue, de créer. Être là où on ne l’attend pas. Cette image prototype de l’intellectuel est dépassée voir révolue. Ce propos peut offusquer énormément de personnes car ils conservent en eux cette mission noble attribuée à un être fragile, sensible mais fort par son intelligence acérée et ses prises de positions inéluctables. Celui qui éclaire notre lanterne, nous offre les clés pour décrypter les malaises de notre condition d’existence, ouvre les portes closes de la réflexion, anime notre volonté de réinventer le monde. Ce phare lumineux qui ne cesse de nous guider par ses lumières dans la nuit obscure où les êtres humains sont devenus avides et vidés de tout sens d’humanité.

Quelle réponse peut nous livrer l’intellectuel contemporain dans un monde qui va vite à la déroute. Le temps est compté par milliseconde. Les informations fausses et vraies sont injectées à chaque instant sur nos écrans où nos yeux sans scotchés tout au long de la journée. Les influenceurs et les influenceuses débarquent dans notre monde comme des avatars du nouvel ordre mondial, pour prêcher une autre façon de vivre avec des préceptes qui dérogent au principe d’une humanité qui se respecte.

La bêtise humaine talonne une sagesse millénaire. Qui prend le temps de lire et de s’inscrire dans le registre de la lenteur et de la réflexion. Tout change avec une extrême vitesse. L’actualisation est devenue un concept dévastateur de toute démarche essayant de fixer l’information dans un instant précis pour lui apporter une analyse. Le temps de l’analyse est culbuté par l’urgence. Cette dernière a pris le devant en occultant l’essentiel. « Survivre » au lieu de « vivre » a sapé le statut de l’être penseur pour restituer un énergumène obsédé par la course sur des pistes interminables.      

L’Intellectuel doit changer de peau. Son profil est à reconstruire et redéfinir vu la course effrénée de changement qui a transformé les citoyens en consommateurs du fast-thinking. L’intellectuel doit être un athlète de haut niveau. « This is the end », comme disait la chanson de Jim Morrison (The Doors) dans le fameux film de Francis Ford Coppola. En conséquence, c’est la fin d’une période marquée par des intellectuels comme Sartre, Foucault, Jean Genet et d’autres.

Les temps ont changé et la réflexion autour de l’intellectuel doit passer par cette mise en cause douloureuse où les intellectuels d’aujourd’hui sont invités à reconsidérer leur façon d’agir, d’appréhender la notion du temps afin qu’il soit leur allié. Quitter la citadelle de la contemplation pour affronter la richesse pauvre de ce monde, en instaurant une parole immédiate et efficace. Devenir « Les influenceurs » justes pour ce monde vidé de sa quintessence. Libérer la pensée de ces carcans anciens, ne pas avoir honte d’épouser cette modernité avec ces gadgets qui nous submergent afin d’éviter d’être hors-piste.

La mort de l’intellectuel n’est pas une fatalité… mais le temps d’agir c’est maintenant.