
Par: Marco BARATTO

L’Italie s’apprête à franchir une étape significative dans l’évolution de son modèle institutionnel grâce à la signature, annoncée par le ministre des Affaires régionales et de l’Autonomie Roberto Calderoli, de pré-accords avec quatre régions désireuses d’obtenir davantage de compétences. Ce processus, inscrit dans l’article 116 de la Constitution, a été récemment renforcé par la loi 86/2024, qui encadre juridiquement l’autonomie différenciée, et clarifié par la décision 192/2024 de la Cour constitutionnelle.
Les pré-accords n’ont pas d’effet immédiat : ils représentent un engagement politique visant à définir les périmètres futurs des compétences régionales dans quatre secteurs clés : protection civile, professions, prévoyance complémentaire et coordination financière pour la santé. Ces matières ont été choisies pour leur impact direct sur les réalités territoriales. Les régions souhaitent pouvoir mieux adapter les politiques publiques aux exigences locales, tout en respectant les niveaux essentiels de prestations, que l’État a l’obligation de garantir sur l’ensemble du territoire.
Cette dynamique n’est pas isolée.
Le Maroc mène depuis plus d’une décennie une réforme ambitieuse de régionalisation avancée, visant à renforcer la responsabilité des conseils régionaux et à redistribuer les compétences de manière plus harmonieuse. Cette réforme a trouvé son expression la plus visible dans le projet d’autonomie avancée pour le Sahara, largement salué sur la scène internationale comme une solution crédible, stable et conforme aux principes modernes de gouvernance territoriale.
Les réformes italienne et marocaine, bien que développées dans des contextes politiques distincts, convergent autour d’une idée forte : pour consolider l’unité nationale, il faut renforcer la capacité d’action des territoires. Le modèle centralisé classique ne suffit plus à répondre aux défis contemporains – qu’il s’agisse de gestion des risques, de développement économique, de services de santé ou d’infrastructures. Les citoyens exigent des administrations plus réactives, plus proches et plus à l’écoute.
L’autonomie devient donc un instrument essentiel de modernisation.
En Italie, les partisans de la réforme soulignent que la protection civile, par exemple, nécessite une présence capillaire sur le territoire et une rapidité d’intervention que seule une gestion décentralisée permet. Les régions connaissent mieux les risques spécifiques – territoires sismiques, zones côtières exposées, vallées sujettes aux inondations. Dans le domaine professionnel, la mise en adéquation entre formation et besoins productifs varie d’une région à l’autre, ce qui justifie des marges de décision plus amples. En matière de santé, la coordination financière entre niveau central et niveau régional vise à réduire les gaspillage et à améliorer l’efficience, sans compromettre l’universalité du service public.
Au Maroc, le processus de régionalisation avancée a permis de créer un environnement plus favorable à l’investissement, notamment dans les régions qui bénéficiaient auparavant de moins d’attention. La logique est similaire à celle qui inspire l’autonomie italienne : rapprocher la décision du terrain, impliquer davantage les acteurs locaux, et responsabiliser les administrations régionales.
Les critiques, en Italie, craignent que l’autonomie différenciée n’accentue les déséquilibres entre régions riches et régions en difficulté. Mais le cadre juridique existant – en particulier les LEP – vise précisément à empêcher toute forme de fragmentation sociale ou territoriale.
De même, au Maroc, l’autonomie régionale est présentée comme un instrument d’unité et non de division : donner plus de compétences aux territoires renforce leur sentiment d’appartenance à la nation. Ainsi, l’Italie et le Maroc montrent que l’autonomie territoriale ne doit pas être perçue comme un risque, mais comme une opportunité. Dans un monde globalisé où les défis deviennent de plus en plus locaux – climatiques, sociaux, économiques – la capacité d’adaptation territoriale est cruciale. La décentralisation avancée est une réponse moderne à ces transformations. Loin d’encourager les tentations séparatistes, elle renforce la cohésion nationale en offrant à chaque territoire la possibilité d’exprimer pleinement son potentiel.





