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Les jeudis de Mohammed El Qandil. SONATE A HALINA

Par: Mohammed EL Qandil

C’est sur les traces de ton passage que je brode maintenant. Toi qui, du soleil, a pris acte et mesure, louant par-dessus ton épaule les herbes folles de l’oubli. Je tisse les filiations et je n’ai cure du bruit qui me parvient de la fenêtre, étant muni de tes pas altiers, de ton sourire serein, de tes gestes qui ne voulaient du monde que repos et sérénité du cœur.

Dehors, il fait beau. Les arbres vacillent d’une brise langoureuse. Le soleil rigole sur les visages des enfants insouciants. L’ombre passe en saluant les recoins des maisons vieilles et lancinantes.

L’ombre est ce qui nous cache des choses et de nous-mêmes !

Du haut des terrasses, des jeunes filles jettent des regards impudiques aux garçons. Un ciel bleu, très bleu, étend sa bonté sur le quartier, réveille le rêve au bord des dentelles flagrantes et par trop sensuelles.

Le temps courtise le temps sans le presser !

Voici que je te revois marchant sur le pavé. Une nuit de cheveux déambulait le long de ton dos. Ravissante comme toujours, tu distribuais les gestes, les mots, les caresses avec une générosité démesurée. Tu rayonnais, et avec toi mon orgueil aussi. Car l’amour grandissait au bord de mes cils, laissant fleurir et ma valeur et ton soin d’aller contre les aléas du vide environnant.

Me hèle HALINA POSWIATOWSKA, cette poétesse du cœur qui appelait son cœur à la rescousse en vain : sur les lignes de la mort, elle a, un moment, survécu à ses vœux, la laissant parler à ses étoiles préférées, à son herbe qui parsemait les chemins déserts, à ses sourires qu’elle déposait sur les lèvres et les joues de ceux qu’elle ne cessait d’aimer que par pudeur. On dirait presque que ses battements ne renvoyaient pas le sang mais la vie, voulant que le monde s’éloigne petit à petit, afin qu’elle puisse cueillir les dernières effluves d’une nostalgie à tout prendre.

Cette jeune fille, décédée très jeune, méconnue par beaucoup, m’a convaincu de la justesse de la poésie, celle qui étalait les mots pour guérir non pour blesser, savait habiter l’exil pour le rendre familier et supportable, qui rentrait à l’intérieur des yeux pour y changer la couleur des êtres et les réenflammer de nouveau.

Sur les traces de son cœur qui a failli après deux opérations, après avoir, vainement, repoussé les soubresauts d’un destin exceptionnel, elle a su, de ce savoir inné chez les éclaireurs de ce monde, que « les mots peuvent tout quand ils ne sont pas seulement un assemblage de lettres mais la chair d’une existence » (M. Gray).

Je reviens vers toi

Je reviens vers cette main qui ne se départit jamais de ma poche. Vers cette blancheur qui maquilla mes yeux un jour de fête. Pieds nus, je cours depuis ce temps les livres à la recherche d’une présence, d’un battement de cœur que HALINA espérait, afin de s’approprier la lumière qu’une étoile envoyait à l’autre, dans un réveil sans fin à la vie.

Je reviens vers toi. Je ne compare que ce qui m’échappe. Que ce qui sort de l’ordinaire. Ainsi, peut-être, vivent ceux qu’on aime, malgré nous, parés d’une aura que le souvenir leur procure à loisir.

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