Phénomène. En Europe, de plus en plus d’églises abandonnées se « convertissent » en mosquées – Le décryptage de l’expert italien Marco Baratto

Dans un article paru dans le journal en ligne « glistatigenerali », Marco Baratto, auteur du livre « Le défi de l’Islam en Italie », s’arrête sur un curieux phénomène qui est en train de faire tache d’huile en Europe: la transformation d’églises abandonnées en mosquées. Il a bien voulu le partager avec les lecteurs du quotidien en ligne lecollimateur.ma. En voici la traduction. 

Par: Marco Baratto

Ces dernières années, dans plusieurs villes européennes, nous avons assisté à la conversion d’églises chrétiennes en mosquées. Ce phénomène, souvent source de débats houleux, naît d’une réalité indéniable : de nombreuses églises, surtout en contexte urbain, sont aujourd’hui vides ou dans un état d’abandon.

La fermeture de ces lieux de culte peut être provoquée par divers facteurs, notamment une baisse de la fréquentation religieuse, des coûts d’entretien excessifs et des problèmes structurels non résolus. Cependant, au lieu de les laisser se dégrader ou de les transformer en lieux de culte profanes tels que des bars, des discothèques ou des centres commerciaux, il serait peut-être préférable de leur permettre de continuer à être des lieux de culte, même s’ils sont destinés à une confession différente.

Un exemple récent de cette tendance est l’église réformée unie Saint-Thomas à Langley Road, Nascot, Watford, en Angleterre. Fermé en 2015 en raison de problèmes structurels et inutilisé depuis, il a reçu à deux reprises l’approbation de rénovations qui n’ont jamais été réalisées. Le bâtiment a finalement été acheté pour 3,5 millions de livres sterling par l’Ar-Rahamah Trust, une organisation islamique qui a l’intention de le transformer en mosquée. Cette nouvelle a suscité des réactions mitigées, certains chrétiens voyant la conversion comme une perte, tandis que d’autres, comme moi, la voient comme une opportunité positive.

La conversion des églises en mosquées n’est pas un phénomène isolé. Dans plusieurs villes du Royaume-Uni, de France et d’Allemagne, des communautés musulmanes en pleine croissance ont acquis des lieux de culte chrétiens désaffectés pour les adapter à leurs besoins. Ces acquisitions se font souvent de manière pacifique et avec le consentement des autorités religieuses, qui voient dans cette solution un moyen de préserver le caractère sacré du lieu.

En France, par exemple, la baisse des vocations et de la fréquentation des églises a conduit à la vente de nombreux édifices religieux. Certains d’entre eux ont été transformés en centres commerciaux ou en espaces culturels, tandis que d’autres sont devenus des mosquées. A Clamart, près de Paris, une église catholique abandonnée a été rachetée par une communauté musulmane et transformée en lieu de culte islamique, avec le soutien total du maire et des autorités locales. En Allemagne, où les églises protestantes et catholiques ferment à un rythme alarmant, plusieurs communautés musulmanes ont trouvé dans ces bâtiments une opportunité d’établir des lieux de culte dignes, sans avoir à construire de nouvelles mosquées de toutes pièces, un processus souvent entravé par la bureaucratie et la résistance politique. En Italie, le phénomène des églises inutilisées est tout aussi important.

Dans de nombreuses villes et petites localités, les lieux de culte historiques sont abandonnés ou utilisés seulement sporadiquement. Certains d’entre eux ont été transformés en espaces commerciaux ou récréatifs, perdant complètement leur fonction originelle. Avant de transformer une église en mosquée, il faut considérer certaines options. Tout d’abord, on pourrait vérifier si d’autres confessions chrétiennes seraient intéressées à reprendre le bâtiment. S’il n’y avait pas d’églises chrétiennes ayant besoin d’un nouveau lieu de culte, on pourrait envisager de les céder aux communautés musulmanes. Afin d’assurer une transition respectueuse, certaines mesures peuvent être adoptées.

Par exemple, les éléments iconographiques chrétiens pourraient être recouverts de panneaux de plâtre amovibles, afin de ne pas heurter la sensibilité des nouveaux croyants, sans pour autant détruire le patrimoine artistique de l’édifice. De cette façon, les changements seraient facilement réversibles et les œuvres de la foi populaire seraient sauvegardées. Autoriser la transformation d’églises désaffectées en mosquées pourrait apporter plusieurs avantages. Tout d’abord, cela permettrait d’éviter la détérioration des bâtiments historiques, qui pourraient être entretenus et restaurés grâce à l’engagement des communautés islamiques.

De plus, la continuité de la fonction spirituelle du lieu serait garantie, évitant qu’il soit utilisé à des fins profanes. Un autre aspect positif serait le renforcement du dialogue interreligieux. À une époque où les divisions religieuses sont souvent soulignées, un geste d’ouverture comme celui-ci pourrait favoriser la compréhension mutuelle entre chrétiens et musulmans, créant un climat de plus grande tolérance et de respect. Évidemment, cette solution ne plaît pas à tout le monde. Certains croyants chrétiens pensent que transformer une église en mosquée signifie perdre un morceau de leur identité religieuse.

En outre, on craint qu’à l’avenir, un déséquilibre se produise dans le paysage religieux des villes européennes. Il faut cependant considérer que le phénomène des églises vides est une réalité et que l’ignorer ne mènera pas à une solution. De plus, la conversion des églises en mosquées n’est pas une contrainte, mais le résultat du libre-échange entre communautés religieuses. Dans de nombreux cas, les églises vendues étaient déjà destinées à la démolition ou à la transformation en espaces profanes, et le choix de les maintenir comme lieux de prière, bien que d’une foi différente, apparaît comme une solution plus respectueuse de leur fonction originelle.