Axe Rabat-Paris: Le futur s’écrit aujourd’hui

 

 

 

Paris: Dr. Youssef Chiheb*

Aujourd’hui, le président de la république française, Emmanuel Macron, a inauguré l’un des plus grands événements économiques et médiatiques que connaît la France et l’Europe, à savoir le 61ème Salon de l’Agriculture de Paris (SIA 2025). Certes, le Maroc a toujours participé mais à un niveau modeste puisque c’est un événement orienté d’abord vers la commercialisation et la mise en valeur de l’agriculture française. Néanmoins, la France, pour des raisons essentiellement politiques, suite à la visite d’Etat historique du président Macron au Maroc (28 au 30 octobre 2024) et la reconnaissance de l’intangibilité de la souveraineté du Royaume sur son Sahara, a décidé de faire du Maroc le premier invité d’honneur de cet événement qui va s’étaler sur une semaine et qui table sur 1 million de visiteurs.

D’un point de vue purement agricole, ce serait une occasion pour le Maroc de mettre en valeur les produits de son terroir, son savoir-faire et également trouver de nouveaux débouchés particulièrement pour ses agrumes qui ont une bonne réputation.

Cet événement recèle également une dimension géopolitique.

La France est entrée dans un bras de fer avec d’autres pays européens pour ne pas signer un accord agricole avec une organisation régionale qui s’appelle le Mercosur, une organisation qui comprend, outre les pays d’Amérique Latine, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Ces pays souhaitent, dans cet accord, réexporter leurs produits agricoles vers l’Europe mais ses produits ne respectent ni les normes environnementales et encore moins sociales. De plus, ils pratiquent du dumping économique, c’est-à-dire des prix trop bas, susceptibles de porter un grand préjudice à l’agriculture française qui est déjà en crise. C’est la raison pour laquelle cette organisation a été bannie de cet événement.

Le premier pays qui est mis à l’honneur lors du SIA-Paris 2025 est le Maroc, un événement historique auquel le Royaume a voulu donner toute sa dimension, notamment à travers la présence du chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, et l’ambassadrice de Sa Majesté le Roi en France, Samira Sitail.

Le timing n’est pas neutre. La ministre française de la Culture, Rachida Dati, vient d’effectuer une visite historique à Laâyoune et Dakhla, entrant dans les annales comme étant le premier ministre français et occidental à se rendre dans les provinces du sud marocain où elle a annoncé la création d’une Alliance française. Cette visite traduit dans les faits les termes du «nouveau partenariat exceptionnel renforcé» appelé des vœux du Roi Mohammed VI et le président français Emmanuel Macron.

Bien entendu, ces deux événements étaient ressentis profondément comme une «provocation», voire une «humiliation» du côté d’Alger, indignée à l’idée que le Maroc soit traité comme un seigneur et l’Algérie comme un vassal.

La visite de Rachida Dati et la mise à l’honneur du Maroc au SIA de Paris viennent consolider davantage les relations d’exception et la feuille de route, désormais gravée dans le marbre, que Macron avait dévoilée devant les deux assemblées du Parlement marocain, à savoir la reconnaissance par la France de la marocanité du Sahara et son engagement à accompagner le Royaume politiquement et diplomatiquement, aux niveaux européen, national et international, pour plier ce dossier définitivement.

Egalement, il était question, en arrière-plan des entretiens bilatéraux, de mise en place de commissions mixtes qui vont travailler essentiellement sur des problématiques touchant structurellement le Maroc mais conjoncturellement la France, à savoir le stress hydrique et la gestion de l’eau. La France va apporter toute son expertise et tout son poids pour la réalisation de projets polarisants au Maroc, notamment la construction d’usines de dessalement de l’eau de mer pour faire face aux changements climatiques et à ses dégâts collatéraux.

De plus, la France va œuvrer pour aider le Maroc à stabiliser une quote-part de sa production agricole, notamment la tomate, qui vont entrer dans les tuyaux de ses échanges avec l’Europe sans qu’il y ait de contentieux ou de réticences particulières. Dans ce sens, la France, avec tout son poids et celui de l’Allemagne et des Pays-Bas, va plier le bras de la Cour de justice de l’UE qui avait remis en cause les accords de pêche et d’agriculture entre le Maroc et l’Union européenne.

Le réengagement de la France aux côtés du Maroc n’est pas un vilain slogan mais une réalité diplomatique et géopolitique irréversible.

L’honneur accordé exceptionnellement aujourd’hui au Maroc n’est pas le premier de son genre. En effet, le président Jacques Chirac, en présence de feu SM Hassan II, avait accordé aux Forces Armées Royales de parader sur les Champs-Elysées le 14 Juillet 1999, en mémoire des combattants marocains morts pour la liberté et pour libérer la France.

*Université Sorbonne Paris Nord- Spécialiste en Géostratégie et Développement international