Paris- Par Youssef Chiheb*
Les Français ont voté aujourd’hui massivement avec 67% qui est une proportion très élevée qu’on n’a pas vue depuis l’élection de François Mitterrand en 1981. Il faut également noter que le taux de participation a nettement augmenté par rapport au premier tour des législatives anticipées qui a eu lieu il y a une semaine (30 juin 2024) et par rapport aux élections européennes tenues le 9 juin 2024.
Personne ne peut donc interpréter ces élections par la variable d’abstention.
Maintenant pour ce qui est des résultats, les projections en sièges qui ne sont pas encore définitives ont dessiné le paysage parlementaire en trois blocs: la victoire du Nouveau Front Populaire (coalition de gauche) avec à peu près 205 sièges, suivi du camp présidentiel avec 160 sièges et, contrairement aux prévisions des sondages qui donnaient le Rassemblement National (extrême droite) largement en tête, il n’a recueilli que 120 sièges.
Quant au Parti républicain (LR) que tout le monde pensait qu’il allait disparaître, il a pu obtenir 60 sièges à l’Assemblée nationale. Et enfin, le centre (Modem de François Bayrou), il ferme la marche avec une dizaine de sièges.
Il est à rappeler que pour obtenir la majorité absolue, il faut atteindre le chiffre de 289 sièges. Ce qu’aucun parti n’a pu atteindre. En conséquence, le Parlement français est fragmenté et ne peut dégager aucune majorité gouvernementale tellement les orientations sont différentes les unes des autres et, de ce fait, aucun parti ne peut prétendre envoyer un premier ministre à Matignon.
Le président Macron qui voulait par la dissolution de l’Assemblée nationale, « de la clarification », a plutôt raté son pari en poussant la France à se trouver entre les contradictions d’un sursaut annoncé vers un sursis acté.
D’entrée de jeu, le premier ministre Gabriel Attal présentera, demain, sa démission au président de la république. Par ailleurs, il ne pourra pas dissoudre la nouvelle assemblée avant le 30 juin 2025, conformément à la Constitution. Par voie de conséquence, il se trouve très affaibli au niveau intérieur, discrédité au niveau européen et marginalisé au niveau international.
Compte tenu de l’hétérogénéité partisane de l’Assemblée nationale, et en l’absence vraisemblablement d’une coalition, la France va rentrer dans une grave crise politique qui peut éventuellement déboucher sur une crise de régime.
En effet, les mécanismes de la 5ème république ont atteint le plafond de verre depuis la disparition du clivage politique Droite/Gauche et les scénarios d’alternance. Dans cette sombre perspective, des voix, et non des moindres, s’élèvent pour demander la démission du président Macron, particulièrement suite à la triple défaite électorale « européenne- 1er et 2ème tour des législatives ».
*Docteur, Professeur à l’Université de Paris-Sorbonne.