L’Institut royal Elcano d’études stratégiques, dont le président d’honneur est le Roi Felipe VI, épingle le rôle de l’Algérie dans la nouvelle crise migratoire. Dans un article paru ce mercredi sur son site officiel, sous la signature de Carmen González Enríquez, analyste senior, Elcano pointe « la nature politique » de la crise de l’Algérie avec l’Espagne, « motivée par un événement sans rapport avec la migration, dans lequel elle est utilisée comme arme de pression ».
« L’Espagne doit recourir aux instances européennes pour que cet élément, la relation migratoire, soit intégré dans la réponse européenne à la rupture algérienne de ses accords avec l’Union », recommande l’Institut Elcano. « Il ne s’agit pas ici seulement ou en premier lieu de solidarité avec l’Espagne, mais de défense des intérêts européens », précise l’Institut.
L’Algérie est mue par une volonté de « nuire au Maroc »
« La quasi-totalité de l’immigration clandestine subsaharienne qui arrive au Maroc pour se rendre en Espagne le fait en passant d’abord par le sud de l’Algérie », indique Elcano, en faisant référence au Rapport 2021 de la Commission espagnole d’aide aux réfugiés (CEAR). « Les autorités algériennes n’ont aucun intérêt à lutter contre ce trafic, d’une part parce qu’il ne gêne pas les États africains d’où proviennent les migrants, et d’autre part parce que ce trafic nuit au Maroc », explique l’Institut.
Contrairement à ses voisins le Maroc, la Tunisie ou la Libye, « l’Algérie a jusqu’à présent été peu ou pas du tout sensible aux pressions des politiques migratoires de l’UE. Elle n’a signé aucun accord migratoire avec l’UE et n’est pas intéressée par une coopération visant à réduire l’immigration irrégulière qui traverse son territoire vers l’Espagne », relève la même source.
L’Algérie veut punir l’Espagne pour sa nouvelle position sur le Sahara
« L’Algérie a cessé de collaborer à la suite du changement de position du gouvernement espagnol concernant le Sahara occidental. Dans le contexte de la faillite des relations entre les deux pays, l’Algérie a cessé d’accepter les retours d’immigrants irréguliers d’Espagne et a ainsi ouvert le robinet d’une croissance incontrôlée de la migration. Le risque n’est pas seulement une augmentation substantielle des flux d’immigration algérienne, mais aussi une reconfiguration des routes migratoires subsahariennes qui entrent désormais au Maroc via le sud de l’Algérie », alerte Elcano.
« Ces dernières années, il y a eu une augmentation continue des arrivées irrégulières d’Algériens via la Méditerranée vers les côtes espagnoles, dépassant le nombre de Marocains. Plus précisément, selon les données publiées par Frontex, en 2021 et jusqu’à présent en 2022, 13 000 Algériens et 6 000 Marocains sont arrivés par cette route méditerranéenne vers l’Espagne (…) Cette immigration comprend de plus en plus de femmes et d’enfants – par rapport aux groupes traditionnellement composés de jeunes hommes – et utilise l’Espagne essentiellement comme pays de transit vers la France et l’Europe centrale et septentrionale (notamment vers l’Allemagne, la Suisse, les Pays-Bas et Irlande) », constate l’institut espagnol.
Fondé en 2001, l’Institut royal Elcano sert de forum d’analyse et de débat sur l’actualité internationale et les relations extérieures de l’Espagne. Son conseil d’orientation comprend notamment les ministres espagnols des Affaires étrangères, de la Défense, de l’Éducation, de la Culture et de l’Économie. Son conseil d’administration est composé d’anciens présidents du gouvernement espagnol et les représentants de plusieurs sociétés multinationales espagnoles.