Le phénomène est passé presqu’inaperçu même si les médias avaient rapporté en son temps les aventures de ces sportifs qui fuyaient le Maroc vers des cieux plus cléments parfois en prenant tous les risques y compris celui de perdre la vie. Pourtant, depuis la fin de l’année 2018, l’émigration clandestine des sportifs marocains vers des pays étrangers a pris une ampleur jamais égalée. Leur désespoir était tel qu’ils se sont aventurés dans des embarcations de fortune pour rejoindre l’Europe en traversant la mer méditerranéenne.
Le champion marocain de Taekwondo, Anouar Boukharsa, s’est même filmé (octobre 2019) dans sa folle traversée vers les Iles Canaries en arborant le V de la victoire et, comble de désespoir, en jetant sa médaille à la mer. Quelques semaines après, le boxeur Hakim originaire d’Agadir a, lui aussi, émigré clandestinement à bord d’une embarcation vers l’Espagne. Dans une vidéo, il apparaît en compagnie d’autres personnes bravant les vagues de la Méditerranée.
En octobre 2019, c’est le footballeur, Hicham Kellouch, ancien international dans les catégories des jeunes, qui a préféré risquer sa vie que de vivre dans la misère du sport national. Le pauvre kick-boxeur Ayoub Mabrouk n’est pas arrivé à destination puisqu’il est mort noyé (novembre 2018) entre la ville de Tanger et les côtes de Cadiz.
Une multiplication de fuites des muscles qui n’a pas éveillé la conscience de nos dirigeants et de nos décideurs qui détiennent une part de responsabilité dans ces tragédies.
D’autres sportifs ont été plus chanceux, si l’on ose écrire, en profitant des déplacements à l’étranger avec leurs équipes nationales pour prendre la poudre d’escampette. Il s’agit notamment de la footballeuse Meriem Bouhid, de deux joueurs de Beach handball (Zouhair Ouasfi et Ismail El Alami), de deux lutteurs (Anwar Tankou et Ayoub Hanin) et de deux handballeurs (Hicham Bourkib et Youssef Temmah).
Tous ces sportifs ont fait défection pendant qu’ils participaient à des tournois internationaux ou des matches de préparation en Espagne et en Grèce. Certes, la fuite des muscles remonte à très longtemps car déjà en 1992 des athlètes avaient disparu après avoir participé au championnat du monde de cross-country à Boston avant qu’ils ne soient récupérés quelque temps plus tard. Mais de là à ce qu’un sportif marocain de haut niveau prenne place dans une embarcation de fortune pour traverser la Méditerranée, c’est un terrible constat que les dirigeants des fédérations n’ont même daigné faire.
Pourtant, ces actes reflètent la désillusion, voire le summum du désespoir de sportifs de haut niveau qui n’arrivent pas à survivre dans leurs pays. A tel point qu’un coureur cycliste s’est réfugié chez un club israélien pour assurer sa carrière. Certes, il a dû résilier son contrat après coup mais cette fuite vers l’inconnu des jeunes d’une vingtaine d’années démontre que notre sport va de plus en plus mal.