Première ONG amazighe au Maroc, l’Association marocaine de recherche et d’échange culturel (AMREC) est une organisation qui s’est distinguée, de longues années durant, dans la promotion d’une identité nationale fondée sur le pluralisme.
C’est en novembre 1968 que l’AMREC avait vu le jour grâce à l’initiative d’un ténor du mouvement culturel amazigh marocain, feu Brahim Akhiate. A l’époque, cette structure avait réussi à fédérer des jeunes qui allaient devenir, quelques années plus tard, de véritables figures de proue de la promotion des droits linguistiques et culturels amazighs au Royaume. Parmi ceux-là, figurent l’actuel recteur de l’Institut royal de la culture amazighe (IRCAM), Ahmed Boukous, l’historien feu Ali Sadki Azaykou, et le linguiste Abdellah Bounfour.
Dans une déclaration à la MAP, l’actuel président de l’AMREC, Imad Meniari, indique que cette association amazighe pionnière avait contribué aux efforts visant à déplacer le débat portant sur l’identité nationale d’une « certaine vision traditionnelle » vers une autre moderne reposant sur le pluralisme et se conformant au principe « unité dans le cadre de la diversité ».
« Le discours porté par l’Association marocaine de recherche et d’échange culturel mettait l’accent sur l’unité nationale, tout en soulignant que cette unité devait reposer sur la diversité et le pluralisme, impératifs sans lesquels aucun progrès ne peut être envisagé », relève M. Meniari.
« L’AMREC mettait en avant le fait que l’amazigh est la propriété de tous les Marocains, qu’ils soient amazighophones ou pas », note-t-il.
Portée par cette philosophie, l’association s’activait sur plusieurs fronts, comme la collecte de la tradition orale amazighe et sa transcription et l’incitation à la création littéraire en langue amazighe, notamment en poésie.
Côté musique, l’AMREC a été l’initiatrice de l’une des expériences les plus remarquables de la musique amazighe moderne, à savoir le groupe Ousmane (« Éclairs » en amazigh), qui a vu le jour en 1974 grâce à l’engagement de feu Brahim Akhiate. Celui-ci était parvenu à constituer cette troupe musicale à Rabat autour de six jeunes musiciens du Souss (feus Ammouri Mbarek et Said Boutroufine, Belaïd El Akkaf, Said Bijaad, Lyazid Korfi et Tarek Maaroufi).
S’inspirant de textes rédigés par des poètes de l’AMREC, Ousmane allait réaliser des chansons à succès comme « Takendaout », « Ddounit » et « Tabratt » et même se produire à l’Olympia à Paris, en 1977.
L’arrivée de l’AMREC a ainsi contribué à poser les jalons de la promotion de la diversité culturelle au Maroc, balisant la voie à l’apparition, dès les années 1970, d’autres associations œuvrant en matière de défense des droits culturels et linguistiques amazighs. Parmi ces ONG, figurent, entre autres, l’Association nouvelle pour la culture et les arts populaires (ANCAP), fondée à Rabat en 1978 et devenue « Tamaynut » en 1996, et l’Association culturelle amazighe (ACA), créée en 1979 par Mohamed Chafik et Ali Sadki Azayko.
Néanmoins, l’AMREC a connu une traversée du désert dans les dernières années, où son absence s’est fait ressentir. Imad Meniari impute cette absence à plusieurs contraintes d’ordre organisationnel dont a pâti l’association depuis que son président fondateur, feu Brahim Akhiate, a été pris d’un malaise de santé qui l’a contraint de se retirer de la scène depuis 2010.
Malgré les difficultés rencontrées à la suite de cet événement fâcheux, l’AMREC « a su maintenir sa présence lors des rendez-vous importants pour le mouvement amazigh, notamment à la faveur de l’implication de plusieurs de ses cadres », tempère-t-il, tout en ajoutant que plusieurs sections nationales de l’association ont continué à exercer leurs activités afin de réaliser les objectifs fondamentaux fixés.
Par ailleurs, l’AMREC a récemment renouvelé ses structure dirigeantes. M. Meniari fait valoir qu’un nouveau bureau national a été élu en octobre 2020 à Rabat, réunissant dans ses rangs de jeunes cadres mais aussi certaines des figures emblématiques de l’association.
S’agissant des axes stratégiques définis par l’actuel bureau national, l’acteur associatif relève que l’AMREC se focalise sur le plaidoyer pour une meilleure mise en œuvre par les départements gouvernementaux et établissements publics des dispositions de la loi organique n° 26-16 fixant les étapes de la mise en œuvre du caractère officiel de la langue amazighe et les modalités de son intégration dans l’enseignement et les différents secteurs prioritaires de la vie publique.
En outre, le siège de l’AMREC à Rabat a initié une programmation culturelle prodiguant, entre autres, des cours de langue amazighe standard destinés aux enfants et adultes, fait savoir M. Meniari, ajoutant que les sections nationales de l’association mènent différentes activités dans le cadre de la promotion de la langue et de la culture amazighes et la préservation de la diversité linguistique et culturelle au Royaume.
En guise d’illustration de son discours mettant l’accent sur la cohésion nationale, l’AMREC a, en outre, organisé, le 26 décembre 2020, une visite symbolique au poste-frontière d’El Guerguerat sous le slogan : « L’amazigh au service de l’intégrité territoriale et l’unité nationale ».
Dans un communiqué rendu public à l’occasion, l’AMREC avait notamment appelé à faire face à toutes les manœuvres menées par les ennemis de l’intégrité territoriale du Maroc, tout en plaidant pour qu’un intérêt particulier soit accordé à la dimension amazighe que recèle le patrimoine des provinces du Sud du Royaume.
« L’onomastique relative aux tribus, régions et coutumes témoigne, entre autres éléments culturels, de la présence permanente de la culture amazighe dans ces provinces », lit-on dans le communiqué.
L’AMREC a donc su maintenir le cap contre vents et marées, faisant preuve d’une flexibilité à toute épreuve et confirmant, au fil des années, son statut d’acteur incontournable et influent sur la scène culturelle amazighe au Maroc.