CASABLANCA. LE COMPLEXE CULTUREL MOULAY RACHID À LA DÉRIVE

Le complexe culturel Moulay Rachid est l’exemple type de l’équipement culturel -le plus grand de Casablanca-  qui a connu des déboires suite à la quasi indifférence du Conseil de la ville pour son entretien et son fonctionnement.

Il a été inauguré en 1989 et avait couté près de 3 milliards à la Commune de Sidi Othmane… au temps où Casablanca était subdivisée en plusieurs entités territoriales  qui garantissaient le  pluralisme et la diversité… Il a connu des moments culturels de qualité  avec des spectacles nationaux et internationaux de haute facture.

Il est composé d’un théâtre de 1200 fauteuils conforme aux normes internationales…  une scène de 10 mètres de profondeur sur 11 mètres de largeur… un conservatoire de musique et de danse… une galerie des expositions… une bibliothèque… et autres dépendances.
Son état suscite aujourd’hui peine et tristesse et il n’est plus que l’ombre de lui-même.  Ses problèmes sont emblématiques d’une conception de la culture irresponsable et parfois provocatrice.

Sans parler de la programmation qui est devenue quasi-inexistante, la sonorisation de la salle de théâtre, une des meilleures dans les années 90, est totalement en panne.

Les rares organisateurs sont priés d’aller louer une sonorisation pour tenir leur spectacle.  Du jamais vu !?

Le président PJD de l’arrondissement Moulay Rachid « tuteur intraitable sur ce centre »  et qui est aussi le puissant 2ème vice-président du Conseil de la ville (en charge des  travaux,  des infrastructures  et de  l’entretien de tous les édifices de la ville)  « répète » qu’il n’a pas les moyens de réparer la sono.  Ce qui est regrettable comme argument !!

Selon de récents échos dans les médias -et notamment nos confrères de  « alghad24.com » ( إخوان العثماني يستغلون حالة الطوارئ ويحولون بهو خشبة مسرح مولاي رشيد إلى مسجد )…. le président de  l’arrondissement Moulay Rachid,  prétextant des travaux de réparation, a décidé… de transformer l’espace qui se trouve  juste sous les planches de la scène (120 m2 en sous-sol)… en  un lieu de prière… pouvant recevoir plusieurs  dizaines de personnes.

On ne sait même pas si le conseil d’arrondissement ou le conseil de la ville a délibéré de cette décision… ou si la Protection civile a été mise au courant… parce qu’il y a des considérations de sécurité qui ne peuvent être négligées.

Cet espace sous la scène – un grand sous-sol – était prévu par l’architecte comme atelier  pour entreposer les décors ou les fabriquer… comme dans tous les théâtres du monde.

Une idée saugrenue et un incroyable mélange des genres. Quasiment un lieu de culte clandestin  greffé dans les entrailles  du théâtre. Et pourtant, la mosquée Al Amal  se trouve à 150 mètres… Il existe déjà aussi une salle de prière à l’entrée du complexe culturel, prévue par l’architecte à cet effet.

C’est comme s’il y avait une volonté de « dénaturer » la vocation culturelle et artistique de cet édifice par ces actes surréalistes… certains disent de  le « purifier » de ce type d’activités culturelles non conformes à la vision du président.

C’est aussi un regrettable étalage de muscles et un refus du dialogue montrant également  que la culture est vraiment le dernier des soucis des élus du PJD !!

La presse s’est aussi fait l’écho d’une autre décision du même potentat local.

Juste après la démission  de  l’ancien directeur, il y a quelques mois,  il a transformé la  maison de logement du directeur en lieu de réunions, de Walimas et de Zroud… pour les Frères du parti qu’ils soient de Casablanca ou de passage…

Désormais, aucun directeur n’habitera plus ce logement de fonction… Un deuxième logement mitoyen, prévu  pour l’hébergement provisoire des troupes de passage a été réservé aux sœurs du parti.

Il a aussi transformé le salon d’honneur du théâtre en espace de repli et de rencontre avec les sympathisants et militants… afin  d’échapper à la pression des citoyens qui souhaitent  le voir au siège de l’arrondissement.

Bref ce président semble avoir causé beaucoup de tort à l’image du PJD au sein de la société civile et au sein de la communauté des artistes…

Ses actions intempestives pour dénaturer la fonction et la vocation de ce magnifique outil destiné à la culture et aux arts ne sont pas comprises.

D’ailleurs depuis l’arrivée de Benkirane au gouvernement en 2011, cet équipement culturel est devenu un important foyer des activités du PJD abritant de nombreuses rencontres de ses leaders avec les populations.

Une aubaine !!  Un équipement pareil au cœur de la périphérie n’allait pas être « raté »… Le souci des élections et l’encadrement doctrinal ne quittent jamais l’esprit de ce parti et son aile idéologique.

Le peu de cas que fait le Conseil de la ville de Casablanca du rôle des complexes Culturels de Casablanca  et les initiatives de son 4ème vice-président à Moulay Rachid sont inquiétantes et montrent un réel dédain pour la culture et les arts.

Ce président qui a déjà fait deux mandats de 6 ans  à la tête de l’arrondissement Moulay Rachid  a évidemment le droit de briguer un troisième mandat (pour finalement faire ses 18 ans !) mais pas au prix d’un populisme caricatural… et sur le dos d’une infrastructure socio-culturelle en perdition.