
Le projet de loi sur le Conseil national de la presse (CNP) continue de faire des vagues. Dans un communiqué, dont copie est parvenue à lecollilmateur.ma, les organisations syndicales et professionnelles du secteur de la presse et de l’édition dénoncent vigoureusement les « contrevérités » du ministre de tutelle et rappellent que ledit projet porte atteinte dangereusement au principe de l’indépendance, de la démocratie et de l’élection des journalistes et des éditeurs par suffrage. Voici la traduction in extenso du communiqué:
1- « Les organisations syndicales et professionnelles du secteur de la presse et de l’édition demandent au ministre de la Communication de rendre publiques les 80 % des observations du Conseil économique, social et environnemental et du Conseil national des droits de l’homme dont il a affirmé qu’il a été tenu compte dans le projet de loi relatif à la réorganisation du Conseil national de la presse.
2- Ils condamnent avec la plus grande fermeté le scandale révélé par un enregistrement vidéo attribué à des membres de la commission de discipline et de déontologie relevant de la commission provisoire chargée de la gestion du secteur.
3- Les professionnels dénoncent vigoureusement les atteintes, le discrédit, l’humiliation et les complots dont a été victime notre confrère Hamid El Mahdaoui et exigent que soient tirées toutes les conséquences juridiques de ces agissements.
4- Ils réaffirment leur rejet catégorique du projet de loi et soulignent leur attachement absolu à la philosophie et à l’essence de l’autorégulation, fondée sur le principe de l’indépendance, de la démocratie et de l’élection des journalistes et des éditeurs par suffrage.
C’est avec une profonde stupéfaction et un grand étonnement que nous, organisations syndicales et professionnelles du secteur de la presse et de l’édition (Syndicat national de la presse marocaine, Fédération marocaine des éditeurs de journaux, Fédération nationale de la presse, de l’information et de la communication/UMT, Syndicat national des médias et de la presse/CDT, Confédération marocaine des éditeurs de journaux et des médias électroniques), ainsi que les groupes, groupements et membres non affiliés de la Chambre des conseillers, et le large spectre des femmes et des hommes des médias et de la presse, des centrales syndicales, des organisations de défense des droits humains et de la société civile, et plusieurs formations politiques, avons reçu l’affirmation, par le ministre de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, le lundi 1er décembre 2025 à la Chambre des conseillers, selon laquelle 80 % des observations du Conseil économique, social et environnemental et du Conseil national des droits de l’homme ont été prises en compte dans les amendements apportés au projet de loi n° 26.25 relatif à la réorganisation du Conseil national de la presse.
Cette déclaration, qui a été relayée par de nombreux sites électroniques et plusieurs supports de presse écrite, et qui comporte des contrevérités, des calomnies et une véritable déformation de la réalité, porte, dans son essence même, atteinte à trois institutions constitutionnelles : la Chambre des conseillers, le Conseil économique, social et environnemental et le Conseil national des droits de l’homme. Elle constitue un scandale politique et moral qui vient s’ajouter au scandale de la vidéo attribuée à la réunion de la commission de discipline et de déontologie relevant de la commission provisoire chargée de la gestion des affaires de la presse, et représente une atteinte flagrante à l’État et à ses institutions, soumettant le gouvernement à une interpellation publique sur la gravité de cette « allégation » infondée du ministre de la Communication au sujet du projet de loi de réorganisation du Conseil national de la presse.
En conséquence, les bureaux exécutifs et nationaux des organisations syndicales et professionnelles, partant de leur responsabilité sociale et professionnelle, déclarent ce qui suit :
1 – Elles relèvent avec une très grande stupéfaction ce qu’a exposé le ministre de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication devant la Commission de l’enseignement, des affaires culturelles et sociales, lors de la séance du lundi 1er décembre 2025, consacrée à l’examen détaillé du projet de loi relatif à la réorganisation du Conseil national de la presse, à savoir que 80 % des observations du Conseil économique, social et environnemental et du Conseil national des droits de l’homme ont été prises en compte dans les amendements. Nous nous interrogeons quand, où et comment ces observations ont-elles été prises en compte, alors que le projet a été soumis à ces deux conseils par le président de la Chambre des représentants, en date du 16 juillet 2025, pour avis, que le Conseil national des droits de l’homme a présenté son mémorandum sur le sujet le 16 septembre 2025, que l’assemblée générale du Conseil économique, social et environnemental n’a adopté son avis qu’au cours de sa session tenue le 25 septembre 2025, que l’examen détaillé du projet tel qu’adopté par la Chambre des représentants le 22 juillet 2025 n’a eu lieu que le 1er décembre 2025, et que le délai ultime de dépôt des amendements à la Chambre des conseillers, initialement fixé au 8 décembre 2025, a été reporté à une date ultérieure à la demande de l’opposition parlementaire de cette Chambre;
2 – Elles demandent au ministre de la Communication de révéler immédiatement à l’opinion publique les 80 % des propositions formulées par le Conseil économique, social et environnemental et le Conseil national des droits de l’homme dans leurs avis respectifs sur le projet, et qui auraient été intégrées dans le texte législatif transmis à la Chambre des conseillers sans que la Chambre des représentants en ait eu connaissance avant et pendant l’examen et le vote du projet. Nous soulignons qu’un ensemble d’observations de forme et de fond relatives aux dispositions du projet, et sur lesquelles les deux conseils ont présenté des propositions et des recommandations, suffisent à elles seules à justifier le rejet du projet, son retrait du Parlement et son renvoi à la table de dialogue et de négociation réelle et productive, de nature à aboutir à un consensus entre l’ensemble des parties prenantes ;
3 – Elles tiennent le gouvernement pour responsable du degré atteint en termes de violation des lois régissant le secteur de la presse et de l’édition, d’atteinte à la Constitution et de mépris des conventions internationales pertinentes ratifiées par le Royaume du Maroc. Elles appellent à mettre fin au plan d’hégémonie et de mainmise, ainsi que de toutes les formes de dérive et d’ingérence dans l’institution d’autorégulation ;
4 – Elles réaffirment leur rejet catégorique du projet de loi et soulignent leur attachement sans réserve à la philosophie et à l’essence de l’autorégulation, fondée sur le principe de l’indépendance, de la démocratie et de l’élection des journalistes et des éditeurs au scrutin de liste à la représentation proportionnelle, ainsi que sur le renforcement de la présence du public dans la composition du Conseil national de la presse. Elles demandent la prise en compte des observations et recommandations du Conseil économique, social et environnemental et du Conseil national des droits de l’homme, et appellent les groupes de la majorité à s’engager clairement dans une révision de fond du projet de loi, afin de consolider l’autorégulation de la profession de la presse et de l’édition, fondée sur les principes de la liberté d’expression, de la représentativité, du pluralisme, de l’indépendance et de la démocratie ;
5 – Elles condamnent, en les termes les plus fermes, le scandale révélé par un enregistrement vidéo attribué à des membres de la commission de discipline et de déontologie relevant de la commission provisoire chargée de la gestion des affaires du secteur, dont le mandat est arrivé à terme, pour les atteintes, dénigrements, humiliations, complots et propos attentatoires à la dignité humaine et professionnelle à l’encontre de notre confrère Hamid El Mahdaoui. Elles exigent que soient tirées toutes les conséquences juridiques de ces agissements ;
6 – Elles saluent avec force les positions de l’opposition parlementaire, syndicale et politique à la Chambre des conseillers, son rejet du projet dans sa version soumise à la Chambre, et appellent le ministre de la Communication à ouvrir un dialogue social avec l’ensemble des organisations syndicales et professionnelles en vue de l’adoption d’une loi relative au Conseil national de la presse qui fasse l’objet d’un consensus, et jette les bases d’un exercice professionnel sain, respectueux des fondements de la mission de la presse, mission qui ne peut se réaliser que par le biais d’un Conseil national garantissant l’indépendance et la démocratie professionnelles, et respectant les droits humains dans leur dimension liée à la liberté d’opinion et d’expression ;
7 – Elles appellent le corps médiatique et journalistique à davantage de mobilisation, à se préparer organisationnellement pour faire face au lobby du monopole, de la rente et de la domination, et au plan d’hégémonie sur l’institution d’autorégulation orchestrée sous l’égide du gouvernement en vue de faire adopter un projet de loi de réorganisation du Conseil national de la presse taillé sur mesure en fonction d’intérêts politiques et corporatistes étroits au profit d’une catégorie d’éditeurs.
Casablanca, le 06 décembre 2025

