
Dans un article publié sur le site « glistatigenerali », le politologue italien Marco Baratto met en évidence le rôle décisif des Etats-Unis dans l’accord de cessez-le-feu à Gaza et les efforts de médiation arabes, mais question « l’absence notable » de l’Europe. Voici une traduction de l’article avec l’aimable accord de son auteur.
Par: Marco BARATTO ★

L’accord sur la Palestine, obtenu grâce au rôle décisif des États-Unis et à la médiation des pays arabes du Golfe, marque une avancée importante, mais met aussi en lumière un absent notable : l’Europe. Il est paradoxal que le continent même qui a contribué de manière si décisive à l’émergence du problème israélo-palestinien soit désormais un spectateur silencieux, incapable d’influencer l’équilibre des pouvoirs dans une région largement tributaire de ses propres choix historiques.
En réalité, la crise au Moyen-Orient n’a pas débuté avec la fondation de l’État d’Israël en 1948, mais plonge ses racines dans les ambitions expansionnistes européennes des premières décennies du XXe siècle, lorsque l’Empire ottoman, malgré ses contradictions et sa rigidité, assurait un équilibre fragile mais réel entre les différents groupes ethniques et religieux. Avec la Grande Guerre et la logique nationaliste, les puissances européennes ont promis aux Arabes et aux Juifs la même terre, afin de démanteler la domination ottomane. C’est comme si un vendeur avait vendu le même bien à deux acheteurs différents, les laissant se disputer l’un l’autre : ainsi, les promesses faites pendant le conflit – la déclaration Balfour aux Juifs et les accords Hussein-McMahon aux Arabes – ont fini par entrer en conflit.
Après la guerre, la partition du Moyen-Orient en sphères d’influence sous mandats britannique et français a trahi les espoirs des deux peuples, créant des États artificiels, des frontières arbitraires et des tensions permanentes. Depuis lors, l’Europe a non seulement perdu sa capacité à mener des processus de paix, mais a progressivement assumé un rôle marginal, oscillant entre déclarations de principe et impuissance diplomatique. Après la Seconde Guerre mondiale, tandis que les États-Unis assumaient la direction du nouvel ordre international, le Vieux Continent se limitait à une action fragmentée, dépourvue de vision commune : la politique étrangère de l’Union européenne demeurait l’otage de divergences internes, certains pays étant plus proches d’Israël et d’autres plus favorables à la cause palestinienne, rendant impossible une ligne commune.
Les États-Unis, quant à eux, ont su allier puissance économique, influence politique et capacité militaire, devenant ainsi le seul acteur capable de conclure et de faire respecter des accords.
Parallèlement, les pays arabes du Golfe ont compris que la stabilité de la région était dans leur intérêt direct, tant pour des raisons économiques que de sécurité intérieure, et ont choisi de collaborer avec Washington de manière pragmatique.
L’Europe, quant à elle, a observé la situation de loin, dépourvue des outils et de la volonté nécessaires pour exercer un impact. C’est pourquoi confier aujourd’hui la gestion de la bande de Gaza à un pays européen serait une grave erreur : cela reviendrait à renvoyer la responsabilité de la résolution du problème à ceux qui ont contribué à le créer. Les nations qui, il y a cent ans, ont tracé leurs frontières et leurs destinées avec un seul dirigeant ne peuvent être considérées comme des arbitres impartiaux. Le processus de transition et de reconstruction devrait plutôt être confié à des entités dotées d’une crédibilité morale et reconnues par les deux parties.
★Marco Baratto, essayiste italien, auteur du livre « Le défi de l’Islam en Italie »





