ACTUALITÉNOS CHRONIQUEURSSOCIÉTÉ

Crise de l’hôpital, les racines du mal

Par: Lahcen HADDAD

Par: Lahcen Haddad

 

 

Malgré la généralisation progressive de la couverture médicale, le Maroc fait face à son plus grand défi : garantir à chaque citoyen un accès réel, rapide et abordable à des soins de qualité. Dans la réalité, trop de patients subissent encore des délais interminables, des coûts prohibitifs et des hôpitaux inégalement répartis. Avec seulement 0,8 médecin pour 1000 habitants (contre 3,5 dans l’OCDE), l’écart illustre l’ampleur des défis structurels.

Le système de santé marocain reste fragilisé par des failles structurelles qui se nourrissent mutuellement : pénurie de médecins et d’infirmiers, financement insuffisant, gouvernance encore imparfaite. La surcharge des hôpitaux entraîne retards et coûts supplémentaires pour les ménages. Tant que ces fronts ne sont pas adressés simultanément, la réforme risque de rester un exercice bureaucratique plus que citoyen.

La pénurie et la mauvaise répartition des talents médicaux constituent la faille la plus profonde. Les zones rurales (où vit 37% de la population) comptent parfois moins d’1 médecin pour 10.000 habitants. L’exode médical vers l’étranger aggrave la situation. Retenir et fidéliser les médecins, rééquilibrer leur répartition et offrir des incitations financières et académiques fortes doivent devenir des priorités nationales urgentes.

Le coût des soins reste insoutenable pour beaucoup. Malgré la couverture généralisée, les délais dans le public poussent les familles vers le privé, où perdurent les paiements « au noir ». Pour les maladies chroniques (diabète, cancers, maladies cardiovasculaires), les familles s’endettent ou vendent leurs biens. La Banque mondiale (2022) estime que plus de 35% des ménages marocains risquent de basculer dans la pauvreté en cas de maladie grave.

Les hôpitaux publics, censés être le pilier du système, souffrent d’improvisation et de chaos. Absentéisme médical, manque de médicaments et d’équipements, déficit de personnel paramédical, gouvernance faible… La durée moyenne d’attente pour une consultation spécialisée dépasse trois mois, contre deux à trois semaines au Portugal. Le Maroc n’a pas encore construit un modèle moderne, clair et efficient d’hôpital public.

Le gouvernement a certes augmenté le budget de la santé, mais il reste inférieur à 6% du PIB, alors que l’OMS recommande 8–10%. Plus que le volume, c’est la qualité de la dépense qui compte. Chaque dirham investi doit être évalué par son impact : délais réduits, disponibilité des médicaments, augmentation des consultations. Sans indicateurs clairs, le surcroît budgétaire se dissout dans l’inertie administrative.

L’expérience patient demeure désastreuse : files interminables, ruptures de médicaments, infrastructures vétustes. Plus de 60% des Marocains disent éviter l’hôpital public sauf en cas d’urgence. Restaurer la confiance exige une culture de responsabilité et de transparence, avec discipline du personnel, lutte contre l’absentéisme, et formation de gestionnaires spécialisés. Sans cela, toute réforme restera lettre morte.

 Les réformes prioritaires :

Fidéliser les médecins et assurer des rotations vers les zones rurales.  Moderniser les hôpitaux, numériser les systèmes, créer un numéro vert national pour les doléances.  Développer les caravanes médicales, revoir la tarification pour réduire le marché parallèle, soutenir les familles confrontées aux maladies chroniques.

La réussite passera aussi par un modèle financier diversifié : prestations payantes pour ceux qui le peuvent, fonds dédiés aux CHU, mobilisation du waqf, contribution directe de l’industrie pharmaceutique, et développement de la recherche biomédicale nationale pour réduire la dépendance aux importations. Le modèle coréen ou brésilien offre des pistes inspirantes pour le Maroc.

 Le véritable test des réformes de santé au Maroc n’est pas la couverture universelle sur le papier, mais la qualité réelle des soins et l’équité d’accès. Placer enfin le patient au centre, renforcer la gouvernance et instaurer une transparence crédible : voilà le seul chemin pour faire de la santé publique un pilier solide du contrat social marocain.

Bouton retour en haut de la page
Soyez le premier à lire nos articles en activant les notifications ! Activer Non Merci