A l’arrivée du destroyer à Alger, les autorités intiment à l’équipage de ne pas quitter le port. Colère et déception sur l’héliport. Nos provisions sont déjà en rupture de stock; et l’accès des commerces du port est systématiquement verrouillé, y compris les bureaux de tabac!
Contre mauvaise fortune, il faut faire bon coeur. Les « secours » s’organisent alors rapidement, les petits gestes de solidarité, eux, se multiplient. Les plus ingénieux d’entre nous ont fait le plein de provisions à Mostaganem, les autres, plus nombreux, n’ont pas eu ce réflexe et, du coup, risquent la « dèche »… à Alger-port!
En ce qui me concerne, cette question d’approvisionnement ne me préoccupait pas outre mesure. Au fond, je voulais visiter « Alger la blanche », caresser ses vieilles pierres, sillonner ses ruelles belles et rebelles, siroter un thé à la menthe sur ses terrasses juchées sur les digues du port…
Que faire alors pour obtenir une dérogation et… sortir?
Le premier contact pris avec un sécuritaire a donné lieu à une promesse… creuse. J’ai pourtant fait jouer communauté de sang, de langue, de religion, de culture pour tenter d’infléchir mon interlocuteur, en vain.
Apparemment, la décision d’interdiction était venue « d’en haut »! Le blocus est total. Mais je suis resté optimiste quant à la possibilité de trouver une issue… une brèche… où je pourrais me glisser pour exaucer mon voeu de visiter « Alger la blanche ».
Le jour de départ, je suis parvenu à tromper la vigilance des policiers pour m’introduire en catimini dans le café du port… Je me suis fondu discrètement dans le public, en me gardant de susciter la moindre suspicion.
Pour cela, j’avais de grands atouts à faire valoir: la même couleur de peau, le même teint de cheveux, le même accent ou presque…
Que demander de plus pour me faire passer pour « un Algérien comme les autres »?
Attablé, j’ai voulu demander une tasse de café. Seulement, le « garçon » était introuvable! A-t-il fait faux bond ce jour-là? Y avait-il d’ailleurs un serveur dans ce café?, etc, etc.
On m’appelle finalement au comptoir pour me servir moi-même… On n’est jamais mieux servi que par soi-même!!!, me lance un client, l’air narquois.
Alors, me voilà servi!
Je n’étais toutefois pas au bout de mes peines. Dès que j’ai voulu en griller une, j’ai senti peser sur moi un regard perçant. J’étais en ligne de mire… d’un policier en civil qui ne me lâchait pas d’une semelle. Il ne m’était pas en tout cas étranger. Un vague souvenir m’a indiqué l’avoir aperçu lors de l’arrivée du « Constanta » au port d’Alger. Il m’a sans doute reconnu à son tour.
Pendant ce temps, quelqu’un a pris mon café et s’en est allé. J’ai alors compris que je devais regagner le bateau.
Outré, je me suis juré de ne plus remettre les pieds en Algérie!!!