Com de crise … !

Comment communique-t-on en temps de CORONA ? Alors que le virus COVID-19 envahit tous les coins du monde à une vitesse effrénée, l’humanité ressent subitement un besoin vital d’être informé. Certes, l’accès à l’information et la facilité à la diffuser à grande échelle, à l’ère des nouvelles technologies, est question assurée, le problème est que l’on réalise, au fur et à mesure, que les conditions de réception sont très complexes. Dans ce jeu communicationnel, l’information est un enjeu capital, voire vital, il s’agit, en fait, de la vie d’êtres humains… Toute communication ne porte malheureusement pas une information …

La communication bat son plein et là où nous avons simplement quelques mots à dire, on en fait tout un discours, pour enfin ne rien dire. L’information en temps de crise est comme de la confiture, moins on en a plus on en étale. Nous connaissons peu de choses sur le virus, et pourtant on en parle à longueur de journée ! Régis Debray s’en plaint à sa manière, jusqu’à le regretter en des termes dénonciateurs : «L’inflation de la communication, c’est peut-être un progrès… mais cela perturbe les certitudes… C’est l’inconvénient du numérique». A la place d’une communication proportionnelle et appropriée, qui suivrait la formule ontologique de Julio César: Veni Vidi Vici, l’on recourt à de la communication à outrance à la faveur d’une hyper-sphère meurtrière.

 

Trop de com, tue la com !

L’expression est souvent réitérée face à un monde, très voire trop connecté, branché et numérisé. Elle justifie aussi cet effet jogging du besoin en informations qu’expriment souvent les communs des mortels, qui se trouvent déjà engloutis dans une masse interminable et croissante de communication, à même de tuer l’information. Se trouver, subitement en récepteur d’un flot d’informations sur le même sujet, le même Covid-19, n’est absolument pas une aubaine. L’acte est certes un devoir et une contrainte, mais pourrait facilement glisser en une banalisation de l’info, voire une marchandisation de vérités sociales.

Trop de communication nuit visiblement à l’information de base, la brouille et l’étrangle, l’étouffe et lui faire dire ce qu’elle ne porte pas, tellement il n’y a pas de réponse ni de vision. Nuire est le verbe d’action qui nécessite un agent manipulateur qui dénature, camoufle, intoxique… L’Homme politique, et à défaut de décision et de réponses, court après le verbe fugitif, le ton morose et le style embrouillé… Nos politiques n’ont plus le temps pour écouter la voix de François de La Rochefaucould et sa célèbre maxime incitant à l’ «imperatoria brivitas» : «La véritable éloquence consiste à dire tout ce qu’il faut, et à ne dire que ce qu’il faut»… Cela se traduit chez les journalistes, une partie d’entre eux en tout cas, par un passage de l’info à l’infox, ou du moins par faire la part des choses entre rapidité et exactitude !

Alors que les esprits souffrent de panique et de peur, il est préférable de communiquer en un temps réel, de manière continue et itérative, mais surtout précise, exacte. Car, le plus intéressant c’est quoi dire et comment le dire ? La gravité des situations et les enjeux en face dictent plutôt un autre mode de communication, qui assure la fluidité des informations nécessaires dans le style le plus clair, le plus concis et le plus accessible à tous. L’injonction reste de juguler la crise, sinon d’y faire face avec plus de lucidité, de courage et de pondération. Ce n’est plus l’heure des différends, ni des polémiques, la crise impose de changer de viseur, peut-être même de vision.