Il y a un an déjà je pensais que le virus comme pathologie pouvait provoquer des ruptures dans les champs politiques, économiques et sociaux un peu partout dans le monde. En vérité, il est difficile de porter un regard critique sans situer son action dans un horizon temporel rappelant l’historicité des faits marquant l’histoire des pandémies et leurs effets sur les structures humaines. Mais au-delà de ces considérations de l’ordre à objectiver les réalités du jadis, il me semble qu’il est intéressant de revenir à ce qui ne pourrait plus revenir comme avant, à cette dialectique entre le réel et le virtuel, entre ce qui est dynamique et statique, entre l’incertitude et le doute d’un temps qui coule et qui nous interpelle au devenir de nos relations humaines.
Partant de ces constats, il est donc utile d’interroger nos possibilités d’être, ce qui nous donne du sens à la vie. A vrai dire, devant une telle crise des systèmes, il est encore complexe de tout comprendre et de donner des réponses – prêtes à porter- à des modèles humains qui tendent à changer de couleurs, de voies et surtout de paradigmes.
Une vie de l’entre-deux
Pour paraphraser Brugère Fabienne, philosophe et professeur des universités, qui fait appel à cette expression pour rappeler notre incapacité à vivre ni dedans, ni dehors. Nous menons une vie doublement malheureuse, une double conquête de sens de ce qu’on appelle désormais « l’hybride », la formule que nous avons découverte dans le monde des automobiles, avant qu’elle se trouve une place dans nos vies séparées entre le monde réel et le monde virtuel. Peut-être aussi partagées entre travailler dedans et travailler dehors, faire ses courses ou se faire livrer, aller à l’école ou suivre en ligne.
Cette double forme de vie que nous menons interroge nos sens, nos capabilités pour reprendre l’expression des communs. Ce qui fait de nous des êtres invisibles mais aussi indivisibles.
De l’invisible à l’indivisible
Il est encore difficile de me prononcer sur ces termes qui ne passent pas partout, mais qui trouvent du sens dans ce que nous faisons quotidiennement pour ne citer que l’exemple des masques. A un moment donné, il ne serait plus facile de se reconnaitre. Nous passons alors à un mode des invisibles. Invisible à l’autre, au temps qui coule et invisible au droit de respirer, de se sentir vrai, non dans une peau cachée, réellement soi-même.
Il est donc plus à l’aise de dire que cet effacement de soi dans un espace public remet en cause le double sens collectif/individu, ce qui par ricochet remet en question les possibilités de se réapproprier les espaces de dialogue et de partager dans le public cache également un redoutable sentiment de doute.
Un doute performant
Depuis un certain temps et avec l’avènement du Ramadan tradition religieuse mêlée d’un esprit d’appropriation des lieux de culte, le doute de toutes les couches sociales devient une réalité dure à dépasser. Une citoyenneté telle que les activistes des droits humains la souhaite pose un vrai problème ; celui d’accès à l’information et dans le temps souhaité. L’Etat-providence revient en force et caractérise le besoin de laisser le doute comme indicateur d’une possible détermination d’une décision commune qui nécessite une performance donnée. Or, en réalité les indicateurs pandémiques changent et les déplacements deviennent de plus en plus difficiles à maîtriser. Il nous faut, même dans ces temps d’incertitude, réinventer le sens des communs et d’affronter le réel par des mesures anticipatives pour éviter un burn-out généralisé de par les épreuves de ce temps qui coule.
Repenser les échelles du temps qui coule..
Dans une chronique antérieure, la question du temps est revenue à maintes reprises, de par l’échelle du dialogue qui rappelle la nécessaire régularité de l’information entre les gouvernés et les gouvernants dont j’appelle les forces vives à un nouveau dialogue citoyen, de par l’échelle de l’investissement dans une communication de crise comme celle que nous traversons. Il nous faut du sens dans ce temps qui coule, il faut connaître qui prend la décision de ce qui partage l’information et de quel objectif laissons-nous les concitoyens dans un suspense qui craque les esprits et fatigue l’échelle de conscience de tout un chacun.
Il est inadmissible de continuer dans ces logiques de faire, il faut trouver les bonnes manières d’agir, nous avons des compétences et des méthodes pour apaiser les esprits et préparer le citoyen aux incertitudes des temps qui coulent au lieu de le stresser, de le fatiguer et de le faire attendre pour pas grand-chose.
Il y a encore de beaux jours à venir…