Pourquoi il faut auditer toutes les fédérations sportives, sans exception aucune

La gestion des fédérations sportives a été, de tout temps, émaillée par des malversations financières et des scandales qui sont restés impunis face à un manque de rigueur dans le contrôle des comptes. Pourtant ces fédérations bénéficient des subventions de l’Etat qui doivent être soumises au contrôle des pouvoirs publics.

Le ministère de la jeunesse et des sports qui fournit à ces fédérations des subventions annuelles de 347 millions de dirhams (PLF 2018) n’a jamais procédé à un véritable contrôle de leur gestion. Des allocations auxquelles il faut ajouter plus d’un milliard de dirhams que les collectivités locales accordent aux associations sportives.

Plus encore, la Cour des comptes (CC) zappe l’audit des associations sportives qui rentrent pourtant dans son domaine de compétence. Car à part un audit préliminaire effectué en 2016/2017 concernant les contrat-programmes qui ont profité aux fédérations entre 2009 et 2014, la CC n’a plus revisité les comptes des fédérations sportives. Encore faut-il rappeler que cette institution avait, après coup, demandé au ministère de la jeunesse et des sports de lui fournir des pièces et des documents pour approfondir ces investigations.

Il a fallu attendre mai 2019 pour que la cour des comptes reçoive un audit du ministère de tutelle concernant 25 fédérations sportives. Un rapport qui a révélé plusieurs dysfonctionnements dans la gestion de ces associations mais qui demeure on ne peut plus aléatoire au vu des critères de contrôle choisis.

L’ex-ministre de la jeunesse et des sports, Talbi Alami, avait initié cet audit moyennant, tout de même, la somme de 1,2 millions de dirhams versée à deux cabinets de consulting casablancais. Certes, il avait lancé un appel d’offres mais il aurait bien confié cette mission directement à la cour des comptes à laquelle il a remis par la suite les résultats dudit audit.

Mais ce qui gêne aux entournures, c’est le critère de choix des 25 fédérations qui ont été auditées par ces cabinets. Les justifications du ministre demeurent très approximatives quand il déclare: «Nous avons choisi en priorité celles (les fédérations, NDLR) qui présentent un mauvais bilan sportif, en terme de médailles ou simplement de participation à des compétitions internationales… ».

Or comme les fédérations ont brillé par l’absence de résultats, la logique aurait poussé le ministre à commencer par les fédérations les plus budgétivores. Sauf qu’il avait exclu de cet audit les deux puissantes fédérations qui brassent des millions de dirhams en l’occurrence la FRMF (foot) et la FRMA (athlétisme).

En évoquant l’exclusion de ces deux instances, Talbi s’en mêle davantage les pinceaux. Dans un premier temps, il justifie cette exception par les contrats-programmes que ces deux fédérations avaient signés avec l’Etat avant d’affirmer qu’elles ont fait déjà l’objet d’un contrôle en interne, ou bien d’une surveillance directe de la cour des comptes.

Ce n’est pas du tout convaincant surtout lorsqu’on sait que le ministère de la jeunesse et des sports a été, lui même, pointé du doigt par la cour des comptes. Plusieurs dysfonctionnements ont été relevés en matière de gestion et d’attribution de marchés publics dont la valeur globale a atteint 550 millions de dirhams.

Autant dire qu’il est difficile de comprendre que la Cour des comptes contrôle un ministère qui bénéficie de fonds publics et n’audite pas les fédérations qui reçoivent des subventions provenant de ce département.

A titre comparatif, la cour des comptes en France demeure intransigeante avec les fédérations en relevant la multiplication des comités et la facilité de gestion à la limite de l’usage abusif des bien sociaux. Voire, les juges de cette cour ont épinglé le comité olympique pour avoir invité des dirigeants du mouvement sportif à assister aux jeux olympiques de Londres en 2012.

Si l’institution de Driss jettou enquête sur les comptes de nos fédérations, voire du CNOM, elle ouvrira la boîte à Pandore rien que dans le domaine des voyages d’agrément. Elle découvrira que nombreux sont les dirigeants qui invitent aux frais de l’Etat leurs épouses, leurs familles ou leurs copains à assister à des compétitions internationales.