Lettre posthume à Rayan

Cher Rayan,

Ce dimanche est vide. L’horloge semble s’être arrêtée, et tout le monde est désheuré. À peine pourrais-je rassembler mes forces pour t’écrire ces modestes lignes. L’esprit dans les vapes, les jambes en coton. Autant dire l’émoi, la tristesse, le chagrin que ton départ m’inspire. L’espoir de ta survie auquel je suis resté suspendu cinq jours durant, les cinq jours les plus longs de ma vie, a fini par s’éteindre. À tout jamais. Le destin en a décidé autrement. Dans la vie, il faut aussi apprendre à se quitter.

Cher Rayan,

Tu ne m’as pas vraiment quitté. Ton sourire me hante, me confond à tel point que je me demande si je le mérite et si j’étais à la hauteur de mon devoir, d’être humain simplement. Je n’ai d’autre choix que de m’incliner devant ton courage. Je ne t’ai même pas vu pleurer, ou crier, malgré ta chute dans le gouffre maudit. Je ne t’ai pas vu te plaindre. Devant l’imparable, tu es resté digne.

Cher Rayan,

Jamais un départ n’aurait fait couler autant d’encre et de larmes. Il n’est pas un seul endroit ou presque où tu n’aies été pleuré; tout le monde, y compris les enfants syriens, palestiniens, que sais-je encore, s’est ému de ton départ. Rarement le monde se serait senti autant uni, en dehors de toute distinction de peau, de culture ou de religion. Le monde a prié pour ton salut. 

Cher Rayan,

Tu n’as pas choisi ton départ. Ce départ a quelque chose de troublant. Tu est parti à l’âge de 5 ans… Tu es parti au bout du 5ème jour après ta chute accidentelle. C’était écrit dans le grand rouleau que tu partes. Mais non sans laisser de traces qui resteront peut-être ineffaçables. Gravées dans le marbre d’une humanité retrouvée. Une humanité qu’on croyait perdue à tout jamais tellement le monde est devenu affreux, cupide, égoïste, injuste… Une jungle à visage humain où les puissants écrasent les faibles… Par ton innocence, ton audace, ton humilité, tu as su vaincre autant de cruautés, de laideurs, et nous donner une raison de croire que tout n’est pas perdu, que la terre peut être autre chose que cette vallée des larmes infinie, qu’au bout du long tunnel, il y a une lueur pour nous guider dans le chemin difficile de la vie.

Cher Rayan,

Merci de nous avoir inspiré de la modestie et ce courage de nous battre jusqu’au dernier souffle pour un monde meilleur. Un monde plus juste, plus clément et pour tout dire plus humain. Puisse Dieu le Tout-Puissant te rétribuer pour cette belle leçon d’humanisme.

Amen!