La Pologne accuse la Cour de justice de l’Union européenne d’ingérence en mettant en cause les principes de l’Etat de droit

La Pologne persiste et signe en optant pour la confrontation dans le différend qui l’oppose à l’Union européenne (UE) sur l’État de droit suite à la décision du tribunal constitutionnel polonais de rejeter «certaines dispositions des traités européens incompatibles» avec la loi fondamentale du pays.

Cette décision du tribunal constitutionnel, qui fait planer sur la Pologne le spectre de sanctions européennes, est tombée comme un couperet sur une majorité de polonais hostile à la brouille avec Bruxelles sur fond de risque d’un Polexit (sortie de l’UE), comme le font ressortir les résultats d’une série de sondages selon lesquels près de 80 pc des Polonais sont opposés à tout départ de l’UE.

Des milliers de manifestants étaient sortis, dimanche à Varsovie et dans d’autres villes du pays, dénoncer la politique « dangereuse » du gouvernement ultraconservateur suite à la décision du Tribunal constitutionnel, la plus haute juridiction du pays, de ne pas reconnaitre la primauté du droit européen sur le droit national, ouvrant la voie à une escalade entre Bruxelles et Varsovie.

Dans un communiqué, le tribunal constitutionnel s’en prend à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), estimant que «la tentative d’ingérence de la CJUE dans le système judiciaire polonais remet en cause les principes de l’État de droit, de la primauté de la Constitution polonaise ainsi que le principe de sauvegarde de la souveraineté dans le processus d’intégration européenne».

Juste après le jugement rendu par le tribunal, le premier ministre polonais Mateusz Morawiecki, a assuré, dans une déclaration à la presse locale, que son pays souhaitait rester dans l’Union européenne, rejetant l’idée d’un Polexit comme le soutiennent des leaders de l’opposition polonaise, pour qui le tribunal constitutionnel est placé sous la coupole du pouvoir en place.

Pourtant c’est M. Morawiecki qui, en mars dernier avait fait déposer au tribunal constitutionnel la requête demandant « d’examiner le caractère constitutionnel des dispositions du traité sur l’UE».

L’attitude du gouvernement ultraconservateur a suscité un tollé au sein de la classe politique et auprès de la majorité de polonais. L’ancien Premier ministre et ex-président du Conseil de l’UE, Donald Tusk qui a est l’instigateur des manifestations nationales de dimanche, a dénoncé la politique du gouvernement qui ouvre la voie aux sanctions de Bruxelles et un éventuel retrait de l’UE, mettant en garde contre le recours de la Commission européenne à des sanctions contre Varsovie pour non respect du droit européen qui prime sur la loi fondamentale de chaque État membre de l’Union, selon les traités de l’Union.

Leader de l’opposition, Donald Tusk justifie l’appel à ces manifestations pour «sauver la Pologne européenne». «L’UE, dans tous ses aspects, dérange le PiS (parti Droit et justice, ultraconservateur) et son leader Kaczynski», a-t-il lancé, ajoutant que le PiS «travaille dur pour dégoûter les Polonais de l’UE et leur embrouiller l’esprit. Je sais qu’au final, ils veulent faire sortir la Pologne de l’UE ».

Même son de cloche chez le leader du syndicat Solidarnosc (solidarité), Lech Walesa qui accuse le PiS de saper tous les efforts accomplis ayant abouti en 2004 à l’adhésion de la Pologne à l’UE, précisant que le gouvernement conservateur entend détruire tous les acquis obtenus par la Pologne jusqu’en 2015.

Pour justifier son attitude, M. Morawiecki, qui tout en rejetant l’idée d’un Polexit, accuse l’UE d’ingérence dans des affaires intérieures et de traiter la Pologne «comme un pays de deuxième catégorie». Le pouvoir polonais évoque aussi le «chantage» de Bruxelles quand la Commission prend parallèlement son temps pour l’approbation du plan de relance polonais, rattaché à 23,9 milliards d’euros de subsides européens.

Bruxelles rappelle de son côté que «l’UE est une communauté de valeurs et de lois», et balaie l’idée d’un traitement particulier. «Notre priorité absolue est d’assurer que les droits des citoyens polonais sont protégés et qu’ils bénéficient des avantages octroyés par l’appartenance à l’UE, comme tous les citoyens de l’Union».

L’Allemagne et la France somment le gouvernement polonais à respecter les traités européens, mettant en garde Varsovie contre toute tentative visant à bafouer les valeurs de l’UE.

Jamais un État membre de l’Union Européenne n’a osé défier ouvertement Bruxelles sur des questions liées au respect des traités européens, observe le quotidien polonais Gazeta Wyborcza (La Gazette électorale, opposition), qui craint de voir la Pologne emboîter le pas à la Grande Bretagne.

Gros bénéficiaire des fonds européens, la Pologne pourrait payer cher son ultime affront. Depuis des semaines, Bruxelles exige des garanties sur le respect de l’État de droit avant de lui verser les 23, 9 milliards d’euros du plan de relance post-covid. Pas sûr que l’argent soit débloqué de sitôt, avertit la publication. 1580918023