« Il n’y aura pas de contact tant que des réponses ne seront pas apportées sur différentes questions qui ont été posées ». Cette déclaration faite à l’AFP par un haut responsable du Département Bourita, suffit à démontrer que la coupe est pleine et qu’il n’est plus question de « tolérer » l’attitude de Berlin vis-à-vis du Maroc.
Précisons en passant, que la suspension de tout contact avec l’ambassade d’Allemagne à Rabat ne veut pas dire « rupture » des relations bilatérales. « Le Maroc souhaite préserver sa relation avec l’Allemagne », a clarifié en effet le haut responsable marocain.
Il n’en demeure pas moins que « c’est une forme d’alerte« , avertit-t-il.
La balle est donc dans le camp de Berlin. Et c’est à Berlin de tirer les conclusions qui s’imposent si elle veut préserver ses relations avec le Maroc, sur la base du respect mutuel et du principe de non-ingérence dans les affaires intérieures du royaume.
Les raisons du « malaise » marocain
Il est vrai que le courrier adressé hier par Nasser Bourita au gouvernement El Othmani ne clarifie pas les raisons qui ont motivé la décision de rompre, jusqu’à nouvel ordre, tout contact avec la représentation diplomatique allemande. Mais il est clair que cette décision est le résultat naturel des « faux pas » que Berlin multiplie depuis janvier 2020, précisément depuis l’exclusion du Maroc de la fameuse « Conférence sur la Libye », malgré le rôle clef joué par la diplomatie marocaine en vue d’une issue politique au conflit qui déchire ce pays maghrébin depuis 2011.
« Le Royaume a toujours été à l’avant-garde des efforts internationaux pour la résolution de la crise libyenne. Le Royaume ne comprend ni les critères, ni les motivations qui ont présidé au choix des pays participant à cette réunion », avait protesté le MAE Nasser Bourita, à l’adresse de l’Allemagne, ce « pays hôte qui, loin de la région et des complexités de la crise libyenne, ne saurait la transformer en instrument de promotion de ses intérêts nationaux« .
Moins d’un an après, précisément en octobre 2020, Nasser Bourita a rendu la monnaie de sa pièce à son homologue allemand, Heiko Maas, en déclinant l’invitation de ce dernier à une nouvelle conférence sur la Libye, en marge de l’Assemblée générale des Nations unies. Pour rappel, cette invitation avait été adressée à Nasser Bourita au moment où le Maroc abritait un nouveau cycle de pourparlers inter-libyens, en septembre 2020 à Bouznika.
Mais passons, car le problème avec Berlin déborde le cadre de la géopolitique régionale. Il s’agit de la position hostile de l’Allemagne à la première cause nationale des Marocains: la Souveraineté de leur pays sur ses Provinces sahariennes.
Sahara marocain: les faux pas de Berlin
Rappelez-vous bien: jeudi 10 décembre 2020, le président Donald Trump promulgue un décret présidentiel reconnaissant la Souveraineté pleine et entière du Royaume du Maroc sur ses Provinces sahariennes. Contre toute attente, Berlin est sortie de ses gonds pour critiquer ouvertement, par la voix de son ambassadeur à l’ONU, Christoph Heusgen, la reconnaissance US de la marocanité du Sahara.
« Être porte-plume des résolutions du Conseil de sécurité sur le Sahara occidental est une responsabilité. Cela s’accompagne d’un engagement fort pour résoudre un problème, il faut être juste, il faut être impartial, il faut avoir à l’esprit l’intérêt légitime de toutes les parties et il faut agir dans le cadre du droit international« , avait déclaré en effet le représentant permanent de l’Allemagne auprès de l’ONU. Plus encore, ce dernier avait appelé à une réunion du Conseil de sécurité pour contester la décision US. « La solution définitive du problème doit s’effectuer dans un cadre onusien, conformément aux résolutions internationales y afférentes« , avait-il martelé.
Alger, principal soutien de l’entité séparatiste, n’aurait pas fait « mieux », même si tout indiquait que la sortie de Berlin, allié du régime algérien pourtant despotique, avait tout l’air d’être orchestrée.
Le rôle interlope des fondations allemandes basées au Maroc
Dans son courrier au chef du gouvernement, le MAE Nasser Bourita a été on ne peut plus clair en précisant que la décision du gel de toute coopération concerne, outre l’ambassade de Berlin à Rabat, les organisations affiliées et les fondations politiques allemandes. Les fondations politiques Friedrich-Ebert, Konrad Adenauer et Friedrich-Naumann-Stiftung qui ont leurs propres bureaux au Maroc, devraient s’y reconnaître. Et pour cause, sous couvert de soutien aux réformes multisectorielles au Maroc, ces fondations avaient outrepassé leurs prérogatives en lorgnant dorénavant « un statut spécifique au Maroc, qui les considère comme de simples associations« .
Seulement voilà, il s’est avéré que lesdites fondations péchaient par « une ingérence » flagrante dans les affaires intérieures du Maroc. Le département marocain de l’Intérieur avait d’ailleurs été on ne peut plus clair en mettant en garde, sans les nommer, des parties étrangères impliquées dans le financement des activités de certaines ONG nationales telle que l’Association marocaine des droits de l’Homme (AMDH).
Les fondations allemandes précitées semblaient avoir obtenu mandat de soutenir certaines ONG de droit marocain qui, sous prétexte de défendre les droits de l’Homme, ont pris la malencontreuse habitude de tirer sur tout ce qui bouge au Maroc, poussant la provocation jusqu’à faire le jeu des séparatistes.
Tout bien considéré, l’ingérence allemande est devenue inacceptable. L’avertissement du département Bourita doit être pris au sérieux. Il y va de l’avenir des relations bilatérales.