
Par: Mohamed KHOUKHCHANI

Créé par la loi 90.13, le Conseil National de la Presse (CNP) devait constituer un espace indépendant chargé d’organiser la profession, d’améliorer les compétences, et surtout de protéger l’éthique journalistique.
Mais la dérive constatée au sein de la Commission d’Éthique suscite aujourd’hui de vives inquiétudes.
Alors que cette commission devait être « la conscience de la profession », elle apparaît de plus en plus comme une instance dont les décisions manquent de cohérence, de transparence et parfois même de neutralité.
I. Cadre juridique : ce que la loi prévoit… et ce qui se perd
La loi 90.13 attribue au CNP trois missions essentielles :
1. Garantir les règles déontologiques.
Véracité, respect de la vie privée, vérification des sources, indépendance éditoriale.
2. Traiter les infractions professionnelles avec équité.
Droit de défense, motivation écrite des décisions, proportionnalité des sanctions.
3. Promouvoir la liberté de la presse et protéger les journalistes.
C’est une obligation constitutionnelle.
Or, les dérives observées montrent :
● Une sélectivité dans l’ouverture des dossiers.
● Des décisions parfois faiblement motivées, diminuant leur légitimité.
● Une logique punitive, au détriment d’une approche éducative.
II. Analyse politique : le CNP, un terrain d’influence ?
1. Baisse de la confiance dans les institutions intermédiaires.
Le CNP, censé incarner l’autorégulation, en subit directement les conséquences.
2. Relation fragile entre pouvoir politique et médias.
Dans un contexte de tension, la tentation est grande de faire de l’éthique un outil de contrôle indirect.
3. Faiblesse de la représentation professionnelle.
La fragmentation du secteur rend le CNP plus vulnérable aux pressions et moins sensible à la défense collective des journalistes.
III. Analyse médiatique : une crise structurelle
1. Insuffisance de la formation journalistique.
La commission devrait agir sur ce front, mais ce volet reste marginal.
2. Présence d’un large secteur informel dans le paysage médiatique.
Paradoxalement, ceux qui échappent au cadre légal échappent aussi aux sanctions, alors que les journalistes structurés restent les plus exposés.
3. Absence d’un projet déontologique global.
L’éthique est un processus de construction, non une simple procédure disciplinaire.
La crise de la Commission d’Éthique du CNP n’est pas une affaire de personnes، mais une crise institutionnelle, politique et médiatique.
Pour restaurer la crédibilité de l’instance, il faut :
Réhabiliter la logique pédagogique.
Garantir une indépendance réelle.
Adopter une stratégie nationale de formation et de professionnalisation.
En attendant, une interrogation demeure, lourde de sens : Comment peut-on défendre l’éthique quand l’instance chargée de la protéger s’en éloigne elle-même ?





