Ni griots serviles, ni détracteurs stériles. Le cri du cœur de Zakia Laaroussi

Par: Zakia Laaroussi

À quel moment commence le dialogue ? Et surtout, comment ? Lorsqu’une institution se mure dans le silence, ne répond que par l’indifférence et ne maîtrise que l’art de l’évitement, comment bâtir un pont entre l’intellectuel qui interpelle et le responsable qui n’entend pas – ou, s’il entend, choisit de ne pas répondre ?

À l’heure où les slogans sur le «soutien à la culture» fleurissent dans les discours officiels, l’intellectuel, lui, demeure isolé, relégué aux marges, privé même du droit le plus élémentaire : celui de débattre. Plus d’espace pour la controverse, plus de place pour la confrontation des idées. Ne subsistent que les voix maîtrisant le langage du silence ou excellant dans l’art de la flatterie. Dès lors, quel rôle revêtent les institutions culturelles ? Sont-elles nées pour n’être que des rouages bureaucratiques organisant des cérémonies creuses et embellissant des rapports annuels, tandis que les véritables penseurs – ceux qui questionnent, analysent et critiquent – sont réduits au silence ? Que reste-t-il donc du dialogue culturel ?

La culture n’est pas une parure que l’on accroche aux murs des conférences officielles, ni un hôte d’honneur convié aux festivités nationales. Elle est un champ de bataille intellectuel, un espace de confrontation, un moteur de renouveau. Mais comment pourrait-elle remplir cette mission si l’intellectuel est relégué au rang d’étranger au sein même de ses propres institutions ? Comment un débat peut-il exister lorsque ceux qui pensent et questionnent sont exclus, considérés comme des éléments indésirables ?

L’absence de dialogue au sein des structures culturelles ne se limite pas à marginaliser les intellectuels; elle vide la société de toute substance critique, nivelle les consciences et transforme la culture en un simple produit de consommation, sans âme ni portée.

Dès lors, que reste-t-il à faire ? Si la culture est réduite à une série d’événements convenus, si elle se voit privée de sa capacité à bousculer, questionner et interroger, alors quel est le rôle des responsables culturels ? Sont-ils de simples gestionnaires d’agendas, de pâles administrateurs exécutant des tâches routinières ? Leur mission s’est-elle réduite à orchestrer des manifestations superficielles, ignorant l’essence même de la création ?

Un responsable culturel qui refuse d’écouter les intellectuels, qui les exclut ou méprise leur voix, n’est pas un gardien de la culture : il en est le fossoyeur. Dans les nations où la pensée est en crise, les institutions culturelles deviennent des prisons invisibles, des enceintes où l’on exclut toute voix dissidente et où l’on ne célèbre que ceux qui récitent des formules vides et répètent des postures convenues.

Ces interrogations ne sont pas de simples murmures égarés dans le labyrinthe de la pensée. Elles sont des cris lancés au cœur du vide. Des cris contre ce silence domestiqué, ce mépris institutionnalisé, cette complicité qui étouffe l’élan créatif.

Si rien ne change, il ne restera plus à l’intellectuel que deux options : continuer à hurler dans le désert, ou bien déserter, abandonnant la culture à ses fossoyeurs. Dans les deux cas, c’est la société qui paiera le prix le plus lourd.