Dans un article paru dans le média en ligne « glistatigenerali », Marco Baratto, expert italien en géopolitique régionale, s’interroge sur le maintien par le Rwanda de son soutien à la milice séparatiste du « polisario ».. et aux rebelles du « M23 » en RDC, s’étonnant que Kigali continue de chanter hors-scène au moment où la majorité des pays africains, y compris les pays membres de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC), dont elle fait partie, ont fait le choix de la raison et du pragmatisme.
Voici l’intégralité de l’article dont nous publions la traduction avec l’aimable accord de l’auteur.
Par: Marco Baratto☆
Ces dernières années, la politique internationale de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) a connu un changement notable, notamment en ce qui concerne le Sahara marocain. Cinq pays membres de cette organisation — la République démocratique du Congo (RDC), la Zambie, l’Eswatini, les Comores et le Malawi — ont décidé d’ouvrir des consulats généraux à Laâyoune et Dakhla. Cette décision a marqué un réalignement important des positions au sein de la SADC, où plusieurs pays ont choisi de reconnaître la souveraineté marocaine sur ces terres.
D’un autre côté, le Rwanda a maintenu une position diamétralement opposée, soutenant le « polisario » et s’isolant politiquement des autres membres de la SADC. Cet isolement n’est pas seulement un enjeu diplomatique envers le Maroc, mais implique également une reconsidération de ses relations internationales, notamment avec les autres pays africains. Le Rwanda a choisi de suivre une ligne qui le sépare progressivement d’un groupe croissant de nations africaines qui s’alignent sur le Maroc. Ce choix a des implications à la fois pratiques et symboliques pour le pays.
L’isolement diplomatique du Rwanda
L’isolement du Rwanda au sein de la SADC est la conséquence d’une position politique fortement ancrée dans le soutien au « polisario ». Bien que le Rwanda continue d’entretenir d’excellentes relations bilatérales avec certains pays, notamment en Afrique de l’Est, sa position sur la question du Sahara occidental l’a mis en désaccord avec ses voisins. Ce conflit de visions est évident si l’on considère que de nombreux pays africains ont opté pour la reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur ces territoires, reflétant une ligne qui prévaut désormais largement au niveau continental.
Le Rwanda se trouve donc dans une situation de marginalité croissante, tant au sein de la SADC qu’à un niveau plus large en Afrique. D’une part, son choix de soutenir le Polisario l’a éloigné du bloc des pays africains qui, à travers la reconnaissance du Maroc, espèrent voir plus de stabilité et de prospérité dans la région. D’un autre côté, sa position l’a également séparé des nations qui considèrent la coopération économique et la diplomatie comme un moyen d’assurer l’autosuffisance et une croissance durable en Afrique.
Le soutien du Rwanda au Polisario peut être lu comme une stratégie de politique étrangère fondée sur les principes d’autodétermination et de solidarité avec les mouvements de libération. Cependant, cela impliquait le risque d’un isolement dans un contexte où les alliances politiques et économiques sont fondamentales. En effet, la coopération entre les pays africains est cruciale pour relever les défis communs, tels que le développement économique, la lutte contre la pauvreté, la sécurité et la stabilité politique. Dans ce scénario, le Rwanda se retrouve dans une position complexe, où son adhésion à une cause spécifique risque de nuire à sa capacité à influencer les dynamiques régionales.
Les implications économiques de l’isolement
L’isolement diplomatique du Rwanda a également d’importantes répercussions économiques. L’Afrique connaît une période de fort dynamisme économique, avec un nombre croissant d’accords bilatéraux et multilatéraux visant à stimuler la croissance par le commerce et l’investissement. Sur un continent où la coopération régionale est essentielle pour maximiser le potentiel de croissance, le Rwanda risque de se retrouver coupé de certains des échanges économiques les plus stratégiques.
Les pays qui ont reconnu la souveraineté du Maroc sur le Sahara, par exemple, peuvent bénéficier d’un meilleur accès au marché marocain, qui représente l’une des économies les plus dynamiques et diversifiées d’Afrique. En outre, la participation à la construction d’infrastructures, telles que le projet de zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), pourrait devenir plus difficile pour le Rwanda alors que plusieurs de ses partenaires régionaux cherchent à renforcer leurs liens avec le Maroc.
L’isolement du Rwanda pourrait également se traduire par une moindre capacité à attirer des investissements directs étrangers, car certains investisseurs pourraient préférer établir des liens avec des pays qui entretiennent des relations stables et diversifiées, notamment avec le Maroc. En outre, des secteurs clés de l’économie rwandaise, tels que le tourisme et l’agriculture, pourraient être affectés par une ouverture diplomatique réduite et des difficultés d’accès aux marchés régionaux.
Un équilibre entre principes et pragmatisme
L’exemple du Rwanda montre à quel point la politique étrangère peut être un champ de bataille entre idéaux et pragmatisme. Même si le soutien au « polisario » reflète une position désormais consolidée du Rwanda, il est indéniable que cette situation l’a mis en difficulté au sein d’un continent de plus en plus orienté vers la reconnaissance du Maroc. Le choix de maintenir une ligne de soutien au « polisario » pourrait en effet s’avérer être une stratégie à long terme qui risque malheureusement de réduire le poids politique et diplomatique du Rwanda en Afrique.
Dans le même temps, si le Rwanda décide de revoir sa position sur le Sahara, il pourrait renforcer ses liens avec les pays influents de la SADC et d’autres puissances africaines. Une telle démarche pourrait cependant entraîner des difficultés internes, tant au niveau politique que social, étant donné que sa ligne étrangère a jusqu’à présent été soutenue par une partie importante de sa population et par les forces politiques au pouvoir.
L’isolement diplomatique du Rwanda, suite à son soutien continu au « polisario », est une réalité complexe qui a des dimensions à la fois politiques et économiques. Alors que le pays continue de défendre sa position en faveur de l’Afrique, il se retrouve confronté aux conséquences d’une politique qui le sépare du reste de l’Afrique.
Dans un continent où la coopération régionale devient de plus en plus cruciale, le Rwanda se retrouve dans une position de marginalité croissante, risquant d’être exclu des principaux flux économiques et alliances stratégiques qui se dessinent en Afrique. Sa politique étrangère, bien qu’enracinée dans des principes soutenus par certains pays, pourrait donc entraîner des coûts en termes d’isolement qui pourraient affecter ses perspectives d’avenir.
La politique étrangère du Rwanda, et pas seulement dans ses liens avec le « polisario », risque de manière générale de mettre en péril la stabilité de l’ensemble de la région, comme le démontre un communiqué publié le 20 février, dans lequel le ministre français des Affaires étrangères a explicitement condamné « les attaques du M23 avec le soutien du Rwanda et du Polisario».
La présence des forces rwandaises sur le territoire congolais
Ces actions sont le résultat d’une politique étrangère qui n’est pas capable de regarder vers l’avenir mais qui poursuit une logique ancienne et dépassée. Les attaques de ces derniers mois du M23 sur le territoire de la RDC et ses liens avec le Polisario démontrent une tentative de balkanisation de l’Afrique. Une tentative contre l’histoire et surtout contre les intérêts de l’Afrique.