Cyber-attaques sur les hôpitaux: Pourquoi il faut s’attendre au pire (PARIS, de notre correspondante Zakia LAAROUSSI)

Paris: Zakia LAAROUSSI

 

Dans un monde de plus en plus interconnecté, où le numérique s’érige en pilier de nos sociétés modernes, un sombre paradoxe se dessine. Alors que nous avançons à pas de géant dans l’ère technologique, des vulnérabilités abyssales apparaissent, menaçant des secteurs vitaux comme celui de la santé. La Cour des comptes française, dans son dernier rapport, jette une lumière crue sur cette fragilité : les systèmes informatiques des hôpitaux français sont des châteaux de cartes, exposés aux vents destructeurs des cyberattaques. Trente établissements de santé ont ainsi été pris pour cible par des rançongiciels en 2022 et 2023, laissant planer une question glaçante : que se passe-t-il lorsque la technologie, censée protéger et soigner, devient un talon d’Achille ?

Le rapport de la Cour des comptes dresse un tableau sans concession : près de 20 % des postes de travail dans les hôpitaux publics fonctionnent avec des systèmes d’exploitation obsolètes ou hors maintenance. Pire encore, 23 % des équipements réseau sont irréparables en cas de panne. Ces chiffres révèlent un sous-investissement chronique, laissant les hôpitaux naviguer dans un océan numérique avec des navires percés.

Une fois encore, un pas en avant est suivi d’un pas en arrière. La lenteur budgétaire contraste violemment avec la rapidité des cybercriminels, capables de paralyser des établissements entiers en quelques clics.

Le système hospitalier, pourtant conçu pour protéger les vies, devient ainsi un terrain de jeu pour les cybercriminels. Ces derniers exploitent des failles béantes pour accéder aux données sensibles, comme ce fut le cas en novembre 2024, lorsque des pirates ont mis en vente les informations personnelles de 750 000 patients issus de plusieurs établissements parisiens.

Ces attaques ne sont pas de simples problèmes techniques : elles touchent le cœur de la mission médicale. Imaginez un service de réanimation incapable d’accéder aux dossiers critiques, des urgences paralysées, ou encore des opérations chirurgicales retardées. Ce ne sont pas seulement des données que l’on prend en otage, mais des vies humaines.

Le cyberespace, autrefois perçu comme une promesse d’efficacité et de progrès, semble aujourd’hui nous rappeler brutalement les limites de notre dépendance technologique. Doit-on alors envisager un retour aux systèmes papiers, archaïques mais robustes ? Cette question, inconcevable il y a quelques années, devient une option, certes inquiétante, mais tangible.

Sommes-nous condamnés à avancer dans un équilibre précaire, toujours plus technologiquement dépendants mais jamais véritablement protégés ? L’idée d’un monde où la santé publique pourrait vaciller sous le poids de l’insécurité informatique donne le vertige.

Il est impératif de transformer cette prise de conscience en une action résolue. Car à défaut d’un sursaut, nous risquons de nous retrouver face à une situation paradoxale : dans notre quête de modernité, nous pourrions bien être contraints de revenir à l’analogique pour garantir la sécurité de ce qui nous est le plus précieux — nos vies et celles de nos proches. Une régression qui, au lieu de panser nos plaies numériques, pourrait signer l’aveu d’un échec collectif.

Le numérique est une arme à double tranchant, et pour ne pas sombrer, nous devons apprendre à la manier avec sagesse et prévoyance.