Lettres de Paris. Entre un Orient disparu et un Occident trompeur (Par Zakia LAAROUSSI)

Par Zakia LAAROUSSI*

 

Le silence plombe le poème, le plie sous son fardeau.
Pourquoi célébrons-nous les océans comme échappatoire céleste ?
Désertons-nous nos rues, nos plages, nos symboles chéris ?
Marchons-nous en transe sur les vagues,
Tandis que l’azur pleure des vers d’élégie sur la terre ?

Pourquoi avons-nous aimé le corbeau sombre ?
Comment notre imagination s’est-elle noyée,
Disparue dans les méandres du néant ?
Nos âmes, malades, vacillent,
Nos voix se brisent, emportant les mots comme des feuilles dans le vent.

Pourquoi voguer sur des flots hésitants, glorifiés par l’errance ?
Pour que nos lettres s’exilent, se perdent dans l’oubli ?
Pour que nos noms soient effacés, oubliés ?
Notre imagination étouffée,
Asphyxiée et broyée par les flammes d’un brasier,
Que le corps dressé de nos poèmes et leur mètre s’effondrent !

J’étais inconsciente lors de mon évasion,
Je me suis envolée en volutes de molécules sur des vagues brisées et nues,
Pour saisir un éclat de lumière après avoir tourbillonné
Sur des chants funèbres,
Les lamentations silencieuses de Grenade.
Mais mes larmes d’orphelin n’ont pas apaisé ma soif,
Les seins du lieu désiré, de loin, ne m’ont pas nourrie,
Ni la danse,
Ni le récit,
Ni la musique
N’ont apporté la lumière entre mes mains.
J’ai organisé une fête pour invoquer cette lumière en terre de César,
Pour qu’un éclat de cette lumière désirée m’habite,
Mais seule la cendre née du frottement m’a consumée,
Et j’ai abandonné mon âme, mon corps chancelant.

Pardonnez-moi, mes mots, si je ne me souviens de rien,
Si je me suis purifiée avec les pierres de l’échec,
Avec mes volcans intérieurs,
Et les chaînes d’héritage qui m’ont expulsée des jardins
Vers les caves de Khosro et les sièges de bus qui me repoussent,
Et les vents,
Et les mers qui me giflent encore,
Qui me font perdre mon sixième sens,
Déchirent les veines de l’aube en moi,
Crucifient les lignes de mes pages avec les flammes de lumière,
Pour dire adieu à mon message martyr.
Je suis ainsi suspendue entre les mâchoires des étaux,
Portée par les vents d’un Orient disparu
Et d’un Occident trompeur,
Sur des fils de lumière désormais indésirables

*Poétesse marocaine installée à Paris