A l’approche du 5è congrès du PAM, prévu les 9, 10 et 11 février 2024 à Bouznika, la question à laquelle tout journaliste veut avoir une réponse, est le « sort » qui sera réservé à son chef sortant, Abdellatif Ouahbi. On ne parle pas ici de son départ qui serait déjà scellé, mais de son avenir à la tête du ministère de la Justice et de l’avenir même du PAM au sein de l’actuelle coalition gouvernementale, dont il est co-pilier avec le RNI d’Aziz Akhannouch et l’Istiqlal de Nizar Baraka.
A la tête du PAM depuis maintenant trois ans, Abdellatif Ouahbi a certes réussi l’arrivée de son parti, deuxième lors du scrutin du 8 septembre 2021, au pouvoir, mais en reniant l’une des ses promesses pré-électorales phares: la conduite du gouvernement par le PAM.
Une fois au pouvoir, M. Ouahbi mutlipliera les coups d’éclat et surtout les maladresses. En avril 2021, lors d’un week-end à Taroudant, dont il est président de la Commune, il est fustigé pour des propos populistes face au directeur provincial du ministère de la culture: « Est-ce que c’est moi le Ministre de la Justice ? Réponds-moi et je t’explique. Je vais te dire quelque chose: quel est mon rôle ? C’est de m’occuper de la sûreté, des tribunaux, des enquêtes… Cela veut dire que toutes les institutions travaillent avec moi, je connais même la couleur des chaussettes que tu portes ».
En avril 2022, le même Ouahbi annonce vouloir interdire aux associations de déposer plainte en justice contre les élus. Selon lui, les élus marocains seraient victimes du chantage des associations. Sa proposition suscite un véritable tollé. En janvier 2023, il est sévèrement mis en cause dans le cadre d’un concours écrit pour accéder au barreau des avocats du Maroc. Le seuil de réussite est fixé de manière anormalement basse (2%). Parmi les seuls candidats qui ont réussi figurent plusieurs enfants de personnalités politiques, dont le enfant du ministre. Interrogé par la presse, Abdellatif Ouahbi réplique: « Mon fils, il a fait deux licences au Canada. Et alors ? Son père est riche et lui a payé des études à l’étranger ».
« DrogueGate »: les caciques du PAM dans l’oeil du cyclone judiciaire
Vendredi 22 décembre 2023, le procureur adjoint du Roi près la Cour d’appel de Casablanca a ordonné le placement en détention provisoire de 25 personnes (dont 7 étaient déjà incarcérées pour d’autres délits et 18 laissées en liberté) poursuivies dans « l’affaire du Malien », un baron de la drogue. Parmi les prévenus, figurent deux cadres du PAM: Abdenbi Bioui, un élu influent de l’Oriental, et Saïd Naciri, président du célèbre club de foot casablancais, actuellement en détention pour trafic de drogue.
Cette affaire fracassante est venue en rajouter aux tourments du PAM et à l’embarras de son secrétaire général Abdellatif Ouahbi, ministre de la Justice depuis le 8 octobre 2021. Embarras et surtout une aubaine pour les détracteurs du garde des sceaux, qui n’ont pas raté l’occasion pour le clouer au pilori. « Comment celui qui prétend connaître même la couleur des chaussettes des citoyens, pouvait-il ignorer les scandales qui éclaboussent son proche entourage? », s’interroge-t-on non sans ironie sur la centrifugeuse des réseaux sociaux.
Ironie du sort, M. Ouhabi qui avait fait ses « titres de gloire » et son « miel » en tant qu’avocat des hommes d’affaires poursuivis dans le cadre de l’opération anticorruption menée par feu Driss Basri au milieu des années 90, voit actuellement plusieurs de ses co-partisans mêlés à un scandale de trafic international de drogue dirigé par El Hadj Ahmed Ben Brahim, surnommé « Pablo Escobar du Sahara ».
Un séisme dont le PAM n’est pas sûr de sortir indemne, pas plus d’ailleurs que son congrès qui s’annonce houleux et tumultueux.