Apparemment la polémique sur les masques n’a pas l’air de finir en France. Après le tollé soulevé par la pénurie en début d’épidémie de coronavirus donnant lieu à une remise en question de la gestion gouvernementale, voilà qu’à l’approche du déconfinement, annoncé pour le 11 mai, une autre polémique surgit mais cette fois-ci sur l’abondance des masques et leur vente dans les grandes enseignes.
Ce sont les professionnels de santé qui ont donné le ton à cette polémique en s’étonnant de la quantité énorme, qui frôle l’ « indécence », de masques proposés à la vente par la grande distribution à partir du 4 mai, alors qu’ils en avaient cruellement manqué durant des semaines lorsqu’ils étaient au front pour sauver des vies en plein pic épidémiologique.
Dans un communiqué d’une rare véhémence, publié jeudi, les ordres nationaux des médecins, infirmiers, sages-femmes, pharmaciens, kinésithérapeutes, podologues… se sont indignés de voir les grandes enseignes de la distribution annoncer, par centaines de millions, des masques à la vente.
« Aujourd’hui, la consternation s’allie au dégoût. Toute guerre a ses profiteurs », s’offusquent les professionnels de santé dans ce communiqué au titre bien évocateur « Les masques tombent ».
Et de se demander où étaient ces masques lorsque tous, « en prise directe avec la maladie, tremblaient et tombaient chaque matin », en tenant à préciser qu’ils ne visent pas la vente de masques lavables en tissu ou de masques « grand public », mais plutôt celle de masques chirurgicaux (FFP1/FFP2), jusqu’ici réquisitionnés par l’Etat.
«Nous sommes très en colère d’apprendre que des dizaines de millions de masques vont être vendus alors qu’on a dû gérer une pénurie profonde », s’indigne Jean-Marcel Mourgues, vice-président du Conseil national de l’ordre des médecins, cité par le journal Le Monde.
Le vice-président du Conseil national de l’ordre des médecins est allé même jusqu’à revendiquer la réquisition de ces stocks de masques par l’Etat.
Une position que partage le président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), Philippe Besset, qui a demandé « instamment », dans une lettre ouverte au ministre de la Santé, de procéder à la réquisition des masques et de les remettre « prioritairement » non seulement aux personnels de santé, mais aussi aux Français les plus fragiles, comme les personnes âgées ou les dix millions de malades en affection longue durée (ALD).
Aussitôt publié, le communiqué des personnels de la santé à été largement diffusé, repris ou commenté par les médias de l’Hexagone et sur les réseaux sociaux. Il a été aussi mis à profit par des partis d’opposition pour tirer à boulets rouges sur le gouvernement déjà sous le feu des critiques pour sa gestion de la crise sanitaire.
Face au tollé suscité par cette question qui soulève les passions, les grandes enseignes ont vite fait de réagir de peur de voir leur réputation écornée. «Il n’y a pas de stocks cachés », a affirmé, dans un communiqué, la Fédération du commerce et de la distribution. « Les chiffres annoncés par les enseignes concernent les commandes effectuées, qui ne vont être livrées que très progressivement », a-t-elle assuré.
Samedi sur FranceInfo, le délégué général de la Fédération Jacques Creyssel, a réitéré que les acteurs de la grande distribution n’ont « pas de stock caché » de masques chirurgicaux et qu’ils vivent très mal la polémique.
Selon lui, les chiffres avancés depuis quelques jours sont liés aux commandes faites par distributeurs pour pouvoir assurer la distribution des masques au grand public, et ne proviennent pas de stocks qui auraient été gardés. Ces commandes vont arriver « progressivement », a-t-il affirmé.
« On voit bien qu’il y a des débats politiques. Mais il n’y a pas de stock caché », a affirmé le délégué général de la Fédération du commerce et de la distribution, qui a dénoncé « un faux procès ».
Pour couper court à la polémique, la Fédération est allée même jusqu’à promettre que les masques allaient être vendus « à prix coûtants ».
Réagissant à cette polémique qui tombe alors que le pays se prépare à une levée du confinement progressive, le numéro deux du ministère de la Santé, Jérôme Salomon a affirmé qu’« il n’y avait pas de stocks de masques cachés en France ».
Selon lui, les commandes passées par la grande distribution l’ont été avec l’aval des autorités. « Plus nous favorisons l’accès aux masques, mieux c’est », a-t-il estimé, en rappelant que « les professionnels de santé auront accès aux masques en premier ».
De son côté, la secrétaire d’État auprès du ministère de l’Économie et des Finances, Agnès Pannier-Runache, a indiqué qu’« il y a une grande confusion entre les commandes de masques et ce qui est stocké en France ».
« Chaque semaine, des masques arrivent effectivement nombreux, mais les millions de masques qu’annonce la grande distribution, ce sont des commandes organisées qui vont arriver progressivement », a tenu à préciser, sur RTL, la responsable gouvernementale.
A partir de ce lundi, les Français pourront enfin avoir accès aux masques de protection que commenceront à fournir progressivement les enseignes de la grande distribution, dans la perspective de la levée du confinement annoncée pour le 11 mai. La vente de ce produit, tant nécessaire en temps de confinement comme en celui de déconfinement, avait théoriquement commencé lundi dernier dans les pharmacies.
Jalila AJAJA-MAP